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01

Avr

2003

Tout est illuminé
Écrit par Charles Patin O'Coohoon   
Illuminata ! Porté par une précoce sagesse, Jonathan Safran Foer nous entraîne dans l’exploration de deux cultures, de deux mondes littéraires. (ancien de Princeton), Tout est illuminé est une véritable génuflexion devant la littérature, une authentique réflexion sur la nature humaine.

A l'heure où menace la belliqueuse noirceur, n'est-il pas surprenant de déclarer que tout est illuminé? A l'expression s'oppose le roman de Jonathan Safran Foer, où tout ne l'est pas encore. Il faut auparavant suivre les tribulations d'un juif dans le Trachimbrod. S'aventurer dans l'exploration de contrées ukrainienne, à la recherche d’un mystique lieu mythique. Certes, c'est un voyage initiatique mais avec cette surprenante impression de déjà vu. Un retour aux sources, somme toute légitime, malgré la maternelle sensation que les origines coulent dans les veines. Erigé sur le récit historique, le récit épique et la correspondance, Safran Foer propose une promenade littéraire entre le broken english, cet anglais invraisemblable et le lyrisme d'un classicisme britannique. Un dédoublement de narration, pour deux styles que tout semble opposer. L’intérêt ? Que serait devenu Laurel sans Hardy, Boileau sans Narcejac.

La grande illumination

A l'Ouest, un écrivain juif américain, l'auteur lui-même, relate la chronique d'une famille. Sa famille. On y explore le Trachimbrod, shtetl d' Ukraine, contrée oubliée d'Europe de l'est, du 18 mars 1791 au 18 mars 1942. Jonathan y dépeint avec justesse et férocité la communauté juive du Shtetl. Cette communauté où la fonction est l’identité, "cette communauté où moins il en sait, plus le citoyen discute avec passion". A la manière d'un Zola et de ses légendaires Rougon Macquart, Safran Foer délivre ici l' histoire Naturelle et sociale d'une famille juive au XVIII et XIX èmes siècles. A travers le regard d’une petite orpheline et de sa destinée, on y découvre un univers surprenant parsemé de psalmodies.

A l'est Alex, un ukrainien, se fait le rapporteur de l'épopée. Une quête du Saint Grâal entreprise par les Chevaliers de la Table ronde à cette futilité près que le Grâal est un shtetl et que Lancelot, Perceval et les autres (dont on ne se souvient jamais) sont Alexandre, Jonathan, un vieillard et Sami Davis Junior, Junior, un chien. Alex, c’est certainement la manifestation du Surmoi de Jonathan. Cet inconscient où se retrouvent tous les fantasmes et les sentiments refoulés. Sa correspondance chimérique et flirtant avec l'illétrisme (notons l'admirable traduction) de l'auteur, assure la mise en abyme du roman et le lien sur deux siècles.

Derrière la maladresse et la simplicité d'Alex se cachent de grandes leçons humaines. Derrière la justesse et le panache de Jonathan se cachent de grandes leçons de morale. Le voyage terminé , on peut assurément proclamer que tout est brillant. Mais d'où vient l'illumination? La question subsiste. Et à celle dernière s'en ajoute une: comment faire d'un premier roman une oeuvre arrogante, éloquente et brillante où l'étincelle provoque l'illumination littéraire ?

Charles Patin O'Coohoon

Zone Littéraire correspondant

Tout est illuminé
Jonathan Safran Foer
Ed. L'Olivier
332 p / 22 €
ISBN: 2879293111
 
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