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27

Sep

2010

Lost in translation
Écrit par Maïa Gabily   
Dans Le Cœur régulier, Olivier Adam vient promener sa délicatesse sur les rives désertes d’un Japon oublié, sublimé par le désespoir de ceux venant s’y échouer. Hypnotique.

Nul besoin de présenter le toujours jeune et prolixe Olivier Adam, huit livres depuis 2001, bardé de prix littéraires – finaliste malchanceux au Goncourt 2008 – et régulièrement adapté à l’écran. Son truc à lui c’est la France pavillonnaire, celle du milieu, les gens qui n’ont ni trop ni pas assez d’argent, qui rêvent de voyages mais n’en font pas, qui regardent la télé au lieu d’aller au ciné. Classe moyenne, quoi. Sarah, sa nouvelle héroïne, a grandi dans ce milieu mais elle en est sortie après ses études en se mariant avec Alain, homme parfait, issu lui de la haute, né pour être cadre sup’, comme elle le deviendra avec l’effort, et tout le confort qui va avec. Deux enfants et quinze ans de mariage plus tard, elle aurait pu être heureuse et pourtant, aujourd’hui, elle étouffe.

Femme au bord de la crise de nerfs

Ce qui la ronge, c’est la mort accidentelle de son frère adoré, Nathan, son « presque jumeau ». Alcoolique et dépressif, particulier, il n’avait jamais vraiment accepté le nouveau monde de Sarah, la vie qu’elle s’était pourtant choisie, et s’était éloigné… À moins que ce ne soit elle ? Dévorée par les doutes et la culpabilité, Sarah perd pied et lâche, d’un même mouvement, travail inepte, mari dévoué à qui elle n’a plus rien à dire et grands enfants qu’elle ne reconnaît plus. Ces personnages de femmes à la dérive, on les rencontre souvent sous la plume d’Adam qui sait comme personne en recréer les errances mentales : c’est la mère disparue dans Poids léger ou Des vents contraires, la mère dépressive de Falaises ou À l’abri de rien. Ici, Sarah s’expatrie pour vivre seule son effondrement intime : nécessité d’être loin des siens dans cette quête d’une reconstruction qui viendra peut-être. Ou pas. Pour ce qu’ils en auraient à faire de toute façon, pense-t-elle. À travers ses yeux mélancoliques, le lecteur découvre le Japon, pour la première fois sous la plume de l’écrivain qui s’était jusqu’ici ancré dans notre vieux pays.

The end has no end

Mais ce n’est pas le Japon urbanisé, suractif, un peu fou qu’on a souvent vu ces dernières années au cinéma, Sofia Coppola en tête. Au contraire, le Japon d’Adam est sauvage, sa dimension trop souvent oubliée d’île isolée du monde prenant tout son sens. Sarah y suit les traces de Nathan – dont elle persiste à penser que l’accident de voiture n’était qu’un suicide déguisé – et s’installe dans un étrange village, niché au bord de falaises affectionnées par ceux voulant en finir avec la vie. Natsumé, un ancien flic, est la célébrité locale, veilleur infatigable de ces côtes définitives, tentant chaque nuit d’empêcher les désespérés de commettre l’irréparable. C’est dans cette ambiance de fin du monde qu’Adam explore une nouvelle fois le lien fraternel, capable comme peu d’en donner à voir toute la dimension passionnelle et irréductible. Bien qu’ayant le sentiment d’un terrain déjà connu, on s’y replonge avec plaisir, appréciant toujours cette faculté à dire l’humain avec la justesse précieuse qui est sa force.

Olivier Adam
Le Cœur régulier
L’Olivier
232 p., 18 €










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