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Il ne l'a pas molle, lui
| | La grande � bouche molle Philippe Jaenada Les �ditions du Yunnan
| Prix éditeur 19.67 euros
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Jaenada ne l'a pas molle, lui.
Le troisi�me roman de Philippe Jaenada, apr�s Le chameau sauvage (prix de Flore 1997) et N�fertiti dans un champs de canne � sucre, est bon, tr�s bon, c'est ind�niable, et la conviction s'impose d'embl�e : ce type a du talent.
Port� sur le devant de la sc�ne m�diatique il y a peu pour sa participation � l'�criture d'un polar interactif (op�ration organis�e par Le Monde), Philippe Jaenada semble avoir trouv� une voie en ad�quation litt�raire et stylistique avec ses qualit�s dans l'�criture de la fiction ; il l'exploite avec une rapidit� et un brio certains dans La grande � bouche molle. Souhaitons que cette empreinte poursuive son processus de maturation pour les �uvres � venir.
Les cl�s de son succ�s sont offertes dans une nudit� splendide d�s les premi�res pages de cette aventure aux allures d'enqu�te polici�re : la prose de Jaenada est tout simplement lib�r�e. Pas de fin, pas d'aboutissement logique, aucune limite et une expression brid�e uniquement par la n�cessit� de conduire le r�cit intelligiblement. Dire ce que l'on choisit de dire en donnant l'impression de tout livrer, sans qu'aucun manque ni aucune longueur ne se fasse ressentir, est une gageure : relev�e, avec une ma�trise du mot qui lui fait honneur.
La fiction de Jaenada poss�de ce zeste de folie douce qui comble l'imaginaire po�tique du lecteur alors que celui-ci se pr�parait au suspense. Son attente est orient�e subtilement vers un autre suspense, inattendu, dont il ne peut s'extraire que ravi. Digressions d'enfant, suspensions capricieuses, jeux : tout est vigueur. Et ce livre de se d�couvrir et de se savourer d'une traite : la poursuite polici�re, sem�e de quelques cadavres et d'hypoth�ses toujours plus farfelues les unes que les autres, est une simple et minuscule entorse � la v�rit� premi�re : Je vais me mettre � mon compte, et je vais vous expliquer pourquoi.
Ce qu'on d�couvre ici, ce sont les mani�res d'�tre dr�le, bizarre, voire touchant, de Paris au salon du luminaire de Romans, de la Normandie paum�e aux clubs sado-maso de New York. Et comment sortir de l'ordinaire sur une intuition qui est connue d�s le d�part pour �tre fausse. Notre d�tective Philippe ? Fid�le, fascin� par le Tierc�, obs�d� par la barre rouge de son compte en banque, tyrannis� par son patron, et bien entendu, toujours digne dans la sainte panade paniqu�e o� ses vell�it�s supermaniaques le poussent. Con, mais pas tant que �a puisqu'il le sait : "J'aimais de moins en moins la m�thode de la connerie � ne pas faire, que j'avais invent�e � l'�poque o� je ne connaissais pas encore bien la vie, avant-hier. On en d�couvre vite les limites. Parfois on sait pertinemment qu'on va faire une connerie, mais on n'a pas le choix. Or si on y pense ("Je ne suis pas dupe, je vais faire une connerie"), on est encore plus d�pit�. On se sent non seulement t�m�raire, ce qui d�j� fout la trouille, mais idiot."
Finalement tout ce qu'il souhaite, cet homme ordinaire, c'est qu'on lui foute la paix ; n'a-t-il pas d�j� fait ses preuves en prouvant que sa "bite est plus forte que son revolver" ? Tout aurait pu s'arr�ter l�, mais on lui en aurait voulu. J. L. N.
+ Lire l'interview de Philippe Jaenada
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