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99 francs pour quelle infortune ?
| | 99 francs Fr�d�ric Beigbeder Grasset
| Prix éditeur 15.09 euros
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Un titre racoleur pour un contenu qui caracole et d�colle les t�tes : cracher dans la soupe, en l'air ou sur �? A terme, on ne sait plus vers qui la d�nonciation se porte. Cri de guerre, haro sur une communaut� de consommation qui s'auto-g�n�re b�atement via la boucle pernicieuse publicitaire. Le monde hypnotis� est en chute libre.
Point de salut hors l'ennui qui s'av�re le seul h�donisme authentique au milieu de divertissements pascaliens en tous genres, et dont l'anti-Virgile se r�v�le �tre un cr�atif qui ne p�se que 13 000 euros mensuels. Le totalitarisme est loin d'�tre vaincu, l'avenir des moutons de panurge se d�cide au QG de Danone, dont la r�union est un pastiche de la Conf�rence de Munich. Pour les coulisses : une bande de vieux nazis qui d�testent les gens heureux parce que ceux-ci ne consomment pas. La publicit� est un miracle, elle donne envie lib�ralement, libert� qui fait oublier le viol en direct dont les citoyens sont victimes. Le tout enrob� d'un vocabulaire branch�, jouissance ironique ultime de son utilisateur.
Et Octave, pass� ma�tre dans l'art de la programmation de l'obsolescence et du terrorisme de la nouveaut�, nous mart�le le d�go�t qu'il a de lui-m�me. Sa culpabilit� et ses auto-accusations, son mal de vivre bien et ses tentatives de R�demption ridicules ne font qu'aggraver une cause qu'il ne plaide pas pour mieux la d�fendre ; sa condamnation �loquente d'un milieu manipulateur a beau indigner, elle ne fait pas oublier qu'il porte ces griefs dans ses bagages jusqu'� Ghost Island. D�noncer un syst�me dans le vomi et dans le sang oui, mais promotion, coca�ne et d�bauche sont si douces�
Le regard de Beigbeder sur les strat�gies de diversion et l'illusion de l'image est acerbe et juste. La connaissance de cause, alli�e � une plume provocatrice font de cette semi autobiographie l'inverse du has been, m�me si elle n'�vite pas � l'auteur de verser dans certaines �vocations rem�ch�es et peu approfondies. Coup de gueule tragi-comique au service d'un r�alisme, qui, � d�faut de soulever certaines interrogations auxquelles on se serait attendu, trouble le lecteur qui est constamment tir� entre gravit� et auto d�rision. Un m�lange qui parvient � mettre en valeur chaque personnage et les recommandations qu'il v�hicule : " un r�dacteur de pub, c'est un auteur d'aphorismes qui se vendent ", tous les hommes ne sont pas des salauds, une prostitu�e reste une prostitu�e, une femme est souvent une prostitu�e, vive suicide et prison ( !), et attention " le bonheur donne la gueule de bois ".
Et pourtant rien ici n'est moral. Le monde des m�dias nous induit en erreur, mais personne n'est coupable malgr� le partage d'une responsabilit� collective qui rend difficile le travail du tribunal. Beigbeder, en montrant du doigt Octave (et lui-m�me), montre du doigt tout un univers, qui montre le doigt � une justice qui ne peut s'accomplir elle-m�me. Pas d'issue, mais apr�s tout qui a pr�tendu que l'�crivain devait offrir une solution quelconque aux probl�mes qu'il soul�ve ? Mais " ce qu'on est incapable de changer, il faut au moins le d�crire ". J. L. N.
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