Voilà un premier roman qui ne déparera pas dans l'hystérie politique générale. Peu de littérature, hélas. La France a peur. Et Jean-Éric Boulin a la rage. Le couvercle de la cocotte-minute doit sauter puisque tout le monde le dit. Le feu aux fesses, ce nouvel écrivain vient donc d’y fracasser son crâne de primo-romancier-politico-pamphlétaire. De son livre dont on commence à parler (il figure dans la première sélection Goncourt), on dira deux choses : la révolte est louable, mais on doute des buts poursuivis et des moyens mis en oeuvre. Comme tout le monde, Jean-Éric Boulin bout de constats terribles sur la France d’aujourd’hui, de psychoses qu’il ne peut pas résoudre et qu’il n’a peut-être même pas envie de résoudre. Alors il compile les rancunes, au fil de 150 pages froides comme un cadavre. Sous prétexte de ne pas oublier les violentes irruptions du réel jaillies récemment, il joue dans l’obscène : le pire, rien que le pire, toujours le pire. Naturaliste socio-politique jusqu’à la nausée. L’autopsie Tout y passera donc, sous la forme d’une triple histoire : celle d’un avatar de Khaled Kelkal plongeant dans le terrorisme à force de frustration ; celle d’un avatar de Richard Durn plongeant dans la violence aveugle pour le même motif ; et celle de François Hollande, grotesque carriériste gagnant le pouvoir sur des ruines. Sur ce principe là, Jean-Éric Boulin fonce dans un jeu de quilles : il y a les salauds de jouisseurs (les parisiens) et les pauvres «invisibles». Les pouvoirs politiques, médiatiques, «culturels », en auront pour leur argent. Soit. En dessous de cette crème-là, il y a la masse dans son désert de souffrance sociale et sexuelle. Pas une femme digne de ce nom n’émerge là-dedans. Des « noirs », des « blancs », des « arabes ». Tout ici est réduit à son plus simple appareil. Et c’est franchement là que le bât blesse. Politique fiction Jean-Éric Boulin se serait-il décidé à écrire faute de pouvoir assouvir une carrière politique ? On se pose la question tant il y a dans son roman de métaphores sur les taux de CSG. Côté littérature, le style alterne entre prédications définitives et plaintes désabusées. N'est-ce pas un peu facile ? Marc-Édouard Nabe disait il y a peu dans ces colonnes combien les obsessions politiques encombrent la littérature et la société françaises. Combien elles stérilisent à peu près tout. À ce titre, ce livre poursuit à la perfection l’écriture du fameux «Roman national» qu’il entend remettre en cause. De la politique, encore et toujours. Et la plus noire possible. L’odeur de mort qui s’en dégage suffit déjà à appâter tous les journalistes que Boulin n'aime pas. Très peu de littérature, au fond.
Marc Delaunay
Supplément au roman national Jean-Éric Boulin Ed. Stock 154 p / 15 € ISBN: 2234059232
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