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02

Mai

2007

Histoire d'inconscient
Écrit par Doreen Bodin   
Entre souvenirs, fantasmes et obsessions, le voyage dans l'inconscient de Yoko Ogawa déroute...

En matière de fantastique, les cinéastes japonais n’ont pas de leçon à recevoir. Rappelez-vous les terrifiants Ring, Kairo, ou encore Cure. A la frontière du cinéma d’horreur, ces films dégagent une atmosphère des plus angoissante mais étrange et pénétrante à la fois. Le recueil de Yoko Ogawa possède la même. L’auteur invite son lecteur à voyager dans le passé et plus loin encore dans l’inconscient. Les huit nouvelles qui composent ce recueil, bien qu’indépendantes, ouvrent les portes d'une mémoire et de fantasmes communs. Si bien que la distance entre la conscience et le rêve se rétrécit pour finir par se rejoindre. La sensation d’étrangeté naît de cela. Yoko Ogawa commence à emmener son lecteur en douceur à travers deux nouvelles chaudes et rassurantes. Dans la première, une jeune femme qui peine à s’endormir en avion se laisse bercer par le récit de son voisin. Celui-ci lui raconte son premier vol vers l’Autriche, durant lequel il a rencontré une drôle de grand-mère. La seconde met en scène un couple qui reçoit de la part d’une vieille dame des pousses de légumes chinois qui, en se développant, se transforment en tiges phosphorescentes. Poésie et Fantastique dominent. Mais au fur et à mesure des autres nouvelles, l’angoisse se fait de plus en plus lourde. On rencontre une jeune femme qui coupe les doigts de ses amants, un kidnappeur d’adolescentes auxquelles il arrache les paupières et une sœur fascinée par le bras gangrené de son frère. L’univers fantasmatique de l’inconscient se fait plus prégnant. Les voix des narratrices successives se fondent en une seule pour pénétrer dans les obsessions que l’on devine être celles de Yoko Ogawa. Les odeurs, la pluie, la piscine et la mutilation reviennent compulsivement. L’auteur analyse en profondeur ses sentiments et laisse ainsi apparaître ses perversions. Parachuté de l’autre côté de la conscience, le lecteur perd ses repères. Malgré la présence d’un cadre dans chacun des récits : un avion, un hôtel, une chambre et des descriptions, le rapport à l’espace et au temps se révèle sans prise. Car les personnages sont dépourvus de noms et les indications géographiques sont inexistantes, comme pour recréer le mécanisme du rêve. Difficile alors de discerner la part de réel de celle de l’irréel. Il faut se laisser emporter.

Doreen Bodin

Les paupières
Yoko Ogawa
Ed. actes sud
205 p / 18 €
ISBN: 9782742766









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