Voyage déjanté conduit par une héroïne tout droit sortie du Destin de Lisa dans un décor baroque du cinéma italien des années 1950. Festino est le prénom éponyme du patriarche de la famille Caselli. Personnage fantasque et malade, il est l’ancien chef opérateur des plus grands noms du cinéma italien des années 1950-60 (Visconti, Pasolini). En adéquation parfaite avec son nom, il aime la danse, la musique, les femmes, bref la fête. Il vit à Paris dans une maison indescriptible avec sa fille, Mathilde, et ses deux petites-filles, Henriette et Hélène. L’ambiance de la maison tient plus du décor de cinéma que du lieu d’habitation. La mère ne compte plus les miroirs de sa chambre et Hélène s’affale sur un canapé vestige du décor du Guépard. Mais du cinéma, c’est également le montage dont l’auteur emprunte les procédés. Le roman se construit à travers les différentes voix des personnages. Ces voix se succèdent, accélèrent, puis finissent par s’entremêler à la fin du récit jusqu’à devenir quasi indifférenciables. Par un procédé habile et encore une fois cinématographique, l’auteur nous plonge au cœur de cette famille. Hélène tourne un film. Et se mue en chef opérateur de l’auteur. Sa volonté de filmer le quotidien l’éloigne du cinéma baroque de son grand-père et l’inscrit dans l’hérédité d’un Chabrol. Grâce à cette intimité improvisée, nous découvrons une mère droguée pour échapper au temps qui passe et sa fille, anorexique à la mode, qui se fait vomir pour entrer dans son jean Diesel. Toutes deux sont en quête d’un conformisme dont les conventions et les exigences sont celles d’une société plus du tout anachronique. Festino : un roman social ? Mais sous les apparences que cette famille ne réussit bien entendu pas à préserver – et l’ironie du roman est bien là - il y a une toute autre réalité. Celle du monde qui l’entoure. Cette réalité commence avec la fugue du fils, Sagamore. Personne ne sait où il est, mais les théories oscillent entre mendicité, suicide ou overdose. Menacées d’exclusion, la femme de ménage africaine et sa fille viennent s’installer dans cette maison de fous. Á travers le prisme du discours totalement décalé d’Henriette, on découvre la cité voisine et ses habitants. Culpabilité sociale ou délire d’une adolescente paumée, Henriette introduit la cité dans son univers. Et c’est là, contre toute attente, que le roman prend la forme d’une critique sociale. La confrontation entre deux mondes permet à l’auteur d’aborder les conséquences de la marginalisation de ses personnages. Dans ce premier roman cohabitent très habilement un univers fantasmatique et une réalité plutôt glauque. L’humour du récit est grinçant et met mal à l’aise. Les références, peut-être un peu trop nombreuses, alourdissent légèrement la narration. Mais l’auteur réussit un tour de force en décrivant à travers des voix et des thèmes très différents la croissance de l’exclusion dans notre société. Ce n’est certainement pas un hasard si Élodie Issartel était cette année l’une des invités de la fête de l’Huma.
Camille Paulian
Festino ! Festino ! Elodie Issartel Ed. Editions Léo Scheer 248 p / 17 € ISBN: 2756101427
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