Depuis sa sortie en janvier, on lisait partout que le dernier Dubois était hilarant. 200 pages plus tard, on confirme. Mais on aurait aimé plus. A l’automne 2004, Une vie française, dernier et excellent opus de l’animal Dubois, raflait successivement le prix du roman Fnac et le Femina. Succès et récompenses méritées. Un an et demi plus tard, on a l’impression qu’il s’est un peu,oh, juste un petit peu, endormi sur ses lauriers. Les douze travaux de Tanner Comme Monsieur Tanner le dit lui-même au début du roman, personne probablement à part lui, n’aurait de nos jours accepté d’hériter d’une immense et inconfortable maison campagnarde. Quand en plus elle se révèle être une quasi ruine, que fait-on ? Des travaux ! Tel est le point de départ de cette véritable odyssée du bâtiment dont le héros, aussi infortuné que son ancêtre Ulysse, se mesurera à bien des obstacles avant d’arriver à son Ithaque personnelle : la réfection totale de sa demeure. L’imagination de Jean-Paul Dubois va en effet se déchaîner aux dépends du pauvre Monsieur Tanner : des apprentis couvreurs usant du jardin de leur client comme chenil personnel et qui provoqueront par leur nullité professionnelle la destruction de la maison, des électriciens russes fervents catholiques célébrant des messes entre deux branchements, du plombier sautillant, complet sosie du regretté Louis de Funès, ou du peintre en bâtiment, ayant raté sa vocation d’artiste et qui, à défaut de talent, en a gardé les caprices, rien ne sera épargné à l’innocent et probablement trop coulant, propriétaire. On ne dévoilera pas les meilleurs anecdotes de cette galerie de personnages loufoques qui vont investir successivement la maison de Monsieur Tanner, faisant dire à ce dernier : « dans la corporation, ce devait être un rite initiatique, une sorte de pèlerinage. On allait chez Tanner comme l’on se rendait à La Mecque ou à Compostelle. Et seuls les plus méritants, les plus atteints aussi, les plus cinglés surtout, avaient le droit d’effectuer ce périple. » La drôlerie de ces mésaventures n’a d’égale que le talent de celui qui les raconte. Dans la jungle, terrible jungle… La jungle où évolue Monsieur Tanner est de fait autrement plus sauvage que celle servant parfois de décor aux documentaires animaliers qu’il réalisait. On utilisera de fait l’imparfait car désormais ne compte plus que le chantier où « vous n’étiez plus qu’une sorte d’insecte voué à la construction ou à la réhabilitation de la ruche, un animal industrieux débarrassé de tout souci de plaisir et de reproduction, gros frelon bâtisseur, transpirant, fatiguant mais jamais ne bandant » . Et oui, les travaux, ça vous tue même une libido ! Mais voici aussi la limite de ce pourtant très plaisant roman, qui ne se consacre qu’à la description des fameux travaux. Bien sûr, la folie semblant s’abattre sur tous les intervenants de ce chantier nous fait souvent rire aux éclats, et l’on passe un très agréable moment de lecture, mais l’ensemble manque un peu de profondeur, d’un propos véritable. On pourra dire qu’on est de mauvaise foi, que l’usage d’un style vraiment drôle et sans cynisme est l’apanage de quelques happy few dont il est bon d’entendre encore la voix au milieu de trop nombreux romans se prenant au sérieux. C’est vrai. Mais au sujet d’un roman de Jean-Paul Dubois, on se sentait aussi le droit d’être plus exigeant. Et de souhaiter qu’il soit plus que simplement distrayant.
Maïa Gabily
Vous plaisantez, monsieur Tanner Jean-Paul Dubois Ed. L’Olivier 199 p / 16 € ISBN: 2879294681
Articles les plus récents :
Articles les plus anciens :
|