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24

Jan

2010

Les démons de Sally
Écrit par Julien Canaux   
Que se passe t-il dans l’esprit d’une personne qui devient « folle » ? Peut-on essayer d’explorer, voire d’apprivoiser ce qu’on appelle communément la folie ? Dans son dernier ouvrage, Michael Greenberg s’éloigne du romanesque et se tourne vers l’intime, à cœur ouvert. Mais sans jamais sombrer dans le pathos…

Comment vit-on le basculement d’un être cher vers un univers fait de noirceur, de prises de médicaments et d’hospitalisations successives, d’espoir et de détresse, mais surtout d’incertitude face à l’avenir ? Qui plus est lorsqu’il s’agit de son propre enfant, qui nous échappe brusquement à l’âge de quinze ans, comme ça, dans un claquement de doigts. Car la maladie a beau être insidieuse, elle n’en est pas moins assommante… Dans Le jour où ma fille est devenue folle, Michael Greenberg parle de la maladie de sa propre fille, Sally, mais ne verse à aucun moment dans le drame « médiatisé ». L’ouvrage est un simple témoignage, en cela, et non un énième récit familial auréolé d’exhibitionnisme…

On avait beaucoup aimé, à vrai dire, le livre Un rayon de lumière de Danielle Steel… La plus célèbre des auteurs de romans sentimentaux avait proposé, il y a quelques temps, une magnifique introspection dans la vie tourmentée de son fils, Nick Traina. La mère – plus que l’écrivain à succès – avait saisi sa plume pour parler de son fils, qui a finalement succombé à son mal de vivre… Nick Traina était, comme Sally, atteint de psychose maniaco-dépressive ; sa vie n’était qu’une succession d’humeurs instables et souvent suicidaires. Les troubles bipolaires peuvent entrainer une personne dans des phases euphoriques, parfois très dangereuses et irresponsables, suivies de périodes de dépression profonde… Loin de la simple « cyclothymie » que l’on peut tous connaître, à des degrés divers, la psychose maniaco-dépressive est une maladie mentale extrêmement grave, et infiniment épuisante pour le sujet et pour ses proches.

« J’ai l’impression de voyager, de voyager sans pouvoir revenir… »

Ainsi, à l’instar de Danielle Steel, Michael Greenberg a choisi de parler de son enfant, en toute transparence, et toujours dans un respect absolu de sa fille (qui a elle-même insisté pour que son vrai nom figure dans le texte, comme une marque indélébile de son parcours). Le jour où ma fille est devenue folle n’est donc pas un roman à proprement parler – et encore moins un roman qui finit mal – mais une étude que nous propose son auteur, entre introspection et désir de partage. C’est aussi un ouvrage sur l’espoir et le combat pour la vie, dans sa plus simple expression…

Michael Greenberg, aidé par sa femme et des médecins omniprésents, cherche finalement à apprivoiser la maladie, à comprendre les rouages de cette chose qui a envahi sa fille. Rien ne rebute ce père-courage : étudier en détail les posologies, les mécanismes de la maladie, les réactions aux traitements… Il se nourrit des expériences des autres, qui vivent la même chose, et va même jusqu’à essayer une bonne dose de médicaments, comme ceux prescrits pour sa fille, dans l’espoir d’une réponse. Pour faire un tour, surtout, dans le monde de sa fille, qui a l’impression de « voyager sans pouvoir revenir ».

La folie est un mot qui fait peur, c’est un mot qui rebute. Et pourtant, au gré de la lecture, on finit par l’apprivoiser… Alors, on voyage avec ce père et sa fille, et on se dit que certaines luttes ne sont pas vaines, finalement, qu’il y a des chemins incontournables. Si la vie est un enseignement, après tout… Peut-on apprendre de la folie ?

Le jour où ma fille est devenue folle
Michael Greenberg
Editions Flammarion
272 p. - 20 Euro
s

 



 










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