25 Avr 2010 |
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Après Pâle sang bleu, un premier roman très remarqué, Alizé Meurisse nous livre les clefs d'une introspection littéraire réussie et prouve que le talent n'a décidément rien à voir avec le nombre des années. D'une finesse et d'une poésie incroyables, ce texte intense remet la poésie à la mode dans le paysage littéraire générationnel ordinairement cynique et désenchanté. Un Roman à clefs que l'on dévore par le trou de la serrure avec une narratrice touchante et enchanteresse. Il y a des livres que l'on dévore afin de savoir où veut nous mener l'intrigue, et d'autres qu'on lit en voulant rallonger le temps afin de mieux goûter à chaque phrase, afin d'être certain de ne pas avoir loupé un brin de poésie. Le second roman d'Alizé Meurisse est ainsi fait: tissage rare de pensées mi-philosophiques, mi-générationnelles. Pensées dont le cheminement hasardeux prend la forme de la passion amoureuse. Roman à clefs n'est pas un roman ordinaire. La jeune Alizé Meurisse n'écrit pas comme tout le monde, elle est comme un croisement décapant entre une Sagan jeune et une Sophie Calle. Elle triture les maux amoureux, l'épreuve du manque émotionnel, avec une liberté d'expression rare dans le paysage littéraire français.Singulière, elle l'est à d'abord, puisque, rappelons-le, Alizé Meurisse, tout juste 24 ans, à déjà vécu mille vies! Artiste, peintre, photographe, la jeune femme s'est fait connaître en partant sur les routes sinueuses du groupe BabyShambles (le groupe du sulfureux Pete Doerthy) pour les photographier, à l'âge où d'autres se posent sagement sur les banc de la fac, avant d'être nominée pour le prix de Flore en 2007 avec son premier roman. Singulière, elle l'est surtout par ce style bien à elle, cette écriture intimiste et bluffante, qui semble gouvernée par l'instinct, encore plus affirmée que dans le premier roman.
Spleen 2010 Ce Roman à clefs revisite le spleen post-adolescent à la sauce 2010. Pourquoi on aime? Parce qu'il y a chez Alizé Meurisse une poésie qui donne aux détails descriptifs les plus triviaux une odeur de sublime. La jeune femme affirme que ce n'est "absolument pas autobiographique". On est donc bien face à un petit génie qui bouscule la langue française et les conventions pour produire un travail intense sur le "je", mélangeant les points de vues narratifs, tantôt féminin, tantôt masculin, tout en nous offrant une sorte de tour d’horizon de l'état amoureux, entre manque et ré-enchantement. Aucune intrigue ni géographie, pas de réel fil narratif, des chapitres presque indépendants les uns des autres, le roman d' Alizé Meurisse est perturbant. Le spleen 2010, c'est une révolte grondant contre la dictature de l'apparence et du devoir de beauté. La narratrice regrette de ne pas être belle. Elle souffre et avec elle, toute une génération de jeunes filles désarmées face à des image publicitaire sur-retouchées souffre avec elle. Et cette narratrice de réfléchir sur le statut de la femme actuelle, le narcissisme déplacée des femmes... Mais le spleen made in " Alizé Meurisse" c'est surtout la poésie des battements de coeur. Roman à clefs ressemble à un manifeste en faveur de l'amour dense et intense: « Espérer ou désespérer, c'est toujours aimer.Tomber dans le vide mou et gris du désamour, c'est bien pire que de saigner. » Un roman d'amour magnifique, original, une pépite littéraire. Roman à clefs
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