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28

Fév

2006

Zarathoustra danse, Sollers écrit
Écrit par L'équipe de Zone   
Le rire est un malin plaisir qu’on prend avec une conscience
pure

Nietzsche, Le Gai savoir

Après ses passions du XVIIIème siècle, Philippe Sollers
surprend en faisant de Nietzsche le prétexte ideal à un roman
clair sur la liberté, et notamment celle, absolue, de
l’écriture.


Quand un texte fait de l’effet, il n’y a plus rien à en
dire.
Formulé il y a trente ans à propos de H (livre de Philippe
Sollers), l’aveu de Roland Barthes, ravissant de justesse et
d’élégance, pourrait être un préalable à tout commentaire de
livres importants. Une Vie Divine est de ceux-là. Important
pour qui ? Pas pour l’ensemble des lecteurs mais pour chacun
d’entre eux. Point de “lectorat” pour Philippe Sollers, point
d’individus regroupés en masse, point de social ni de collectif.
Jamais de discours. Une parole. La littérature comme un
pneumatique clandestin, d’une bouche à une oreille, direct et
discret. Plus que les autres, Sollers s’adresse à moi, à toi, la
grande rousse derrière, ou encore toi, le petit brun à gauche. Et
il a l’air de te vouloir du bien. Admets que c’est rare. Alors de
quoi te parle t-il dans ce livre ? De Nietzsche, de lui même, de
l’écriture, des artistes et des philosophes, du monde
d’aujourd’hui, un peu, et de beaucoup d’autres choses que tu
n’entendras pas ailleurs qu’au creux de ces cinq cents pages
généreuses, denses et fraîches. De l’art d’exercer, réellement,
sa liberté, surtout. Et justement, c’est accompagné de cette
amie de longue de date qu’il entreprend de soustraire Nietzsche
au clergé des philosophes, grands ordonnateurs, si prompts à
verrouiller la parole au nom même de la liberté de penser. La
vision orthodoxe et officielle qu’on a produit du penseur
allemand va donc flancher sous les caresses de la littérature.

Le Gai savoir

Nietzsche dangereux précurseur du nazisme ? Mélomane
douteux, amateur de Richard Wagner ? Niezsche, morbide,
lourd, embarrassant ? Pas pour le narrateur d’Une Vie Divine,
un philosophe-écrivain atypique. Avec deux femmes libres et
légères comme compagnes de route, il arpente la vie du
Surhomme, ses lieux, Turin notamment, et examine ses lettres,
celles de ses proches, amis, amantes, mères ou soeurs, et ses
livres, évidemment. À partir de ces matériaux élémentaires,
Sollers reconstitue soigneusement jusqu’aux sensations, aux
repas, aux nuits de sommeil. Il rétablit Nietzsche dans son
corps, vivant. Il le ressuscite. Le bronze est fondu, plus de figure
historique mais un nouveau personage, Monsieur N., M.N. dans
le texte, revigoré par l’écriture, revenu de l’éternité pour parfois
visiter les petites femmes de Paris au XVIIIème siècle, ou
observer l’européen d’aujourd’hui… Un passant considérable,
au delà du temps et de l’espace. Une conscience gaie, riant de
la fatalité. Ou délirante, ivre d’une liberté radicale..
La technique de Sollers en la matière est éprouvée : il cite en
abondance ou plutôt, montre, avec ses “microscopes”, dans son
“laboratoire”. Il remet l’écrit en circulation, en scène, lui réinvente
des perspectives, remet à la portée, pour broder un nouveau
tissu, un nouveau texte. Barthes, là encore : “Communiquer avec
le monde, c’est traverser les écritures dont est fait le monde,
comme autant de citations dont l’origine ne peut-être ni tout à fait
repérée, ni jamais arrêtée”. L’écriture comme mouvement
permanent dans la trame du temps et du monde : ce livre est
une preuve supplémentaire que Philippe Sollers en a quelque
maîtrise.

L’Eternel Retour

Car “l’écrivain du oui absolu”, comme Philippe Sollers se définit
lui-même, reste l’un des seuls à placer à ce point l’écriture (et
donc lui et le lecteur) au-dessus du vacarme. C’est un esprit
errant fait corps, un danseur de temps, averti de l’absurdité de
l’univers et lassé des fracas de la comédie humaine : Et ce
globe minuscule, à la surface duquel, dans une chambre au
soleil, je trace ces petits caractères, tourne sur lui-même à la
vitesse de 27 000 kilomètres par seconde. Une. Voilà. Et vous
voudriez que je m’intéresse aux convulsions sociales de mon
temps ? Migraine.
Et pourtant, au fil du roman, les
convulsions sont apaisées en quelques phrases, autant de
respirations d’évidence. La littérature dépressive ? Les
angoisses millénaristes ? La guerre des sexes ? L’embarras
des corps ? Le règne des sciences ? La France qui tombe ?
Tout ce qui prétend encombrer la vie y trouve son compte. Au
final, la même solution pour tous les temps : l’Éternel Retour
Nietzschéen, synonyme pour l’écrivain de liberté de vivre, de
créer et de jouir. Et pour cela s’oublier soi-même, jusqu’à son
nom, c’est à dire ignorer ce que les autres font de vous, et
devenir ce que l’on est. S’abstenir de voir bien des choses,
ne pas les entendre, ne pas les laisser venir à soi, premier
commandement de la prudence, première preuve qu’on n’est
pas un hasard mais une nécessité. Le mot courant pour cet
instinct d’autodéfense s’appelle le goût.
Mot décisif. Le
philosophe frileux et imbibé de social y détectera, lui, un
nihilisme politique suspect.

Ecce homo

Alors pour Sollers il faut choisir son camp. Le monde n’ayant
aucun sens, autant le considérer comme gratuit
. Il a choisi,
depuis longtemps, le camp du bonheur libre par principe. Celui
de la gaieté, du jeu, des plaisirs, de l’art et de l’individu contre la
société. Celui d’une Vie Divine de littérature et d’écriture où
Sade, Rimbaud et Baudelaire sont convoqués. Mozart est là,
bien sûr, Haydn également, Ben Webster, même : L’art
comme seule force de résistance à toute volonté de nier la vie…
L’art comme activité métaphysique de l’existence
. Le style
est aérien, calme, degagé, précis. Les traits de lumière se
cueillent en fines poignées. Une Vie Divine vote sans
réserve pour toi, la grande rousse et toi, le petit brun, ‘petit
animal mal domestiqué (qui a) une chance, oh très minime, de
t’en sortir”. Un appel à la liberté et à la vie. Un de plus de la part
de Sollers ? Oui, mais celui-là est étonnant de détermination
sereine, comme un doux face à face. Un leg généreux et, d’ores
et déjà, un précieux compagnon.

Marc Delaunay

Zone Littéraire correspondant

Une Vie Divine
Philippe Sollers
Ed. Gallimard
525 p / 20 €
ISBN: 2070768331









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