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La revue des classiques
De fait,la zonarde que je suis, hant�e depuis des semaines par la pr�paration du num�ro sp�cial romans policiers, vit dans cette collision fortuite une bonne opportunit� de coucher sur le papier les quelques connaissances qu�elle avait accumul� sur le sujet. Dans le choix des critiques composant ce num�ro, Zone Litt�raire s�est comme toujours efforc� de mettre l�accent sur l�actualit� de cette branche litt�raire, trop souvent rang�e au rayon � romans de gare �. Quel meilleur lieu donc qu�un train pour �voquer d�autres auteurs, les classiques, ceux qui, depuis le 19�me si�cle, ont donn� au genre ses lettres de noblesse ?
El�mentaire mon cher Watson !
Nombreux sont ceux qui consid�rent le morbide Edgar Allan Poe (1809-1845) comme l�inventeur du polar avec son prodigieux Double assassinat dans la rue Morgue (1845). De fait, on ne lui �tera pas cette paternit�, certains �l�ments � l�essai dans cette nouvelle �tant devenus des incontournable du genre : horreur du meurtre (deux femmes violemment �trangl�es), myst�re de son ex�cution (la pi�ce �tait ferm�e) et originalit� de sa r�solution (lisez-le !). Quelques ann�es plus tard, deux Anglais allaient porter cet art nouveau � des sommets in�gal�s.
En 1891, Sir Arthur Conan Doyle (1859-1930) invente le personnage du d�tective r�current en la personne du cultissime Sherlock Holmes, assist� de son faire-valoir �-qui-faut-toujours-tout-expliquer, le fid�le docteur Watson. Holmes fait partie de ses ces enqu�teurs fureteurs, passant le plus clair de leur temps le nez � terre � la recherche de la moindre cendre de cigarette dont l�analyse � car le sieur est un chimiste consomm� � peut le mener au coupable avant m�me que ce dernier n�ait jet� son m�got ! Qui n�a pas d�vor� captiv� la c�l�bre Etude en rouge ? Qui n�a pas fr�mit en lisant la triste histoire du Chien des Baskerville ? Si son intelligence approche le g�nie, notre d�tective est cependant loin de la perfection : il est sujet aux sautes d�humeur, � la d�pression � qu�il accompagne g�n�ralement des sons plaintifs d�un violon ressorti pour l�occasion � et ne crache pas sur une ponctuelle prise d�opium ! Son �ternel ennemi, l�inf�me Moriarty, finira par avoir raison du d�tective au terme d�une lutte acharn�e mais d�s l�ann�e suivante, Holmes rena�t de ses cendres, rappel� � la vie par une horde de lecteurs frustr�s de sa disparition.
Quelques ann�es encore, et voil� qu�une jeune infirmi�re se met � �crire quelques histoires � suspense pour tromper son ennui. La premi�re, intitul�e La Myst�rieuse Affaire de Styles et publi�e en 1920, est un coup d�essai. La septi�me, Le Meurtre de Roger Ackroyd (parue en 1926), un coup de ma�tre. Agatha Miller devient Agatha Christie et accessoirement la reine incontest�e du crime. Elle aussi cr�e une figure de d�tective incontournable, j�ai nomm� Hercule Poirot : Hercule Poirot et son cr�ne ovo�de, sa manie de l�ordre � la limite de la pathologie, et son incommensurable fatuit� qui n�a d��gale que sa prodigieuse intelligence.
Lui aussi b�n�ficie d�un second tout en d�vouement et en b�tise, un certain Hastings dont la principale qualit� est d��couter bouche-b�e la r�solution des plus insolubles myst�res par l�exasp�rant petit Belge qui n�a pas, ou presque, quitt� son fauteuil. Car, sachez-le, Mme Christie semble peu appr�cier le c�t� chien de chasse de l�enqu�teur cher � Doyle, et privil�gie le � travail des petites cellules grises �. Elle cr�era d�ailleurs plus tard le personnage de Miss Marple, adorable vieille fille n��tant quasiment jamais sortie de son village du fin fond de l�Angleterre, mais capable de r�soudre n�importe quelle �nigme entre un th� et deux s�ances de tricot car : � la nature humaine est la m�me partout �. Difficile en tous cas de choisir parmi 66 romans d�excellence, les plus repr�sentatifs. Par d�faut, on citera Les Dix Petits N�gres et Le Crime de l�Orient-Express, s�rement les plus ma�tris�s, Mort sur le Nil et La Mort n�est pas une fin , pour leur c�t� "exotique", Les Quatre et Le Crime du golf , d�un aspect plus confidentiel, enfin, les deux recueils de nouvelles Le Myst�rieux Mr Quinn et Mr Quinn en voyage, pour leur h�ros � la limite du surnaturel.
Cocorico !
Chez les Fran�ais, aux derniers auteurs policiers r�cemment consacr�s tels Simenon et Fr�d�ric Dard, s�ajoutent deux importants pr�d�cesseurs : Gaston Leroux (1868-1927) et Maurice Leblanc (1864-1941) qui inventent chacun leur personnage phare durant la m�me ann�e 1907.
Leroux s�adjoint en effet pour ses enqu�tes les services de Rouletabille, journaliste gouailleur et d�brouillard qui n�est pas sans annoncer un certain Tintin, auquel Denis Podalyd�s a r�cemment pr�t� les traits dans le film �ponyme, Le Myst�re de la chambre jaune. Entre ce roman et le suivant, Le Parfum de la dame en noir, le jeune reporter double la police en r�solvant avant elle des intrigues qui passionnent la France d�alors, tout en d�couvrant au passage le myst�re de ses propres origines. Dans un autre genre, Le Fant�me de l�Op�ra , s�il n�est pas � proprement parler un roman policier, allait conf�rer � son auteur une c�l�brit� mondiale dont les �chos r�sonnent encore aujourd�hui, quand les touristes visitant l�op�ra demandent � voir le lac sens� se situer sous le monument !
Avec Ars�ne Lupin, Maurice Leblanc, f�ru de symbolisme, cr�ait �galement un personnage inoubliable de la m�moire litt�raire, aux caract�ristiques encore proches d�un certain id�al romantique, quand Rouletabille �tait r�solument moderne. Originalit� du proc�d� : c�est du c�t� du gentleman cambrioleur que le r�cit se situe, � savoir ce sympathique voleur sera-t-il un jour arr�t� par l�infatigable Ganimard de la S�ret� fran�aise ? Et le lecteur anxieux de fr�mir quand le limier approche de trop pr�s son chouchou cambrioleur, lequel, apr�s tout, ne vole toujours que pour de bonnes raisons ! Le mythe de Robin des Bois n�est pas si loin et l�on ne peut que constater que le type du mauvais gar�on est toujours celui qu�on pr�f�re, surtout s�il est s�duisant ! Cette figure tut�laire du roman � myst�res devrait d�ailleurs voir son adaptation au cin�ma par Pitoff sortir d�s la rentr�e, avec Romain Duris dans le r�le titre.
Pour ceux qui seraient pass�s � c�t� comme pour ceux qui voudraient s�y replonger, citons entre autre La Comtesse de Cagliostro, Ars�ne Lupin contre Herlock Sholm�s, L�Ile aux trente cercueils, et bien s�r, L�Aiguille creuse. Le must reste toutefois de les lire tous, dans l�ordre, car on y apprend au fur et � mesure la v�ritable histoire de ce personnage insaisissable qu�est Ars�ne Lupin, myst�re � ajouter � ceux qu�il rencontre et engendre.
Au terme de ce voyage chez les ma�tres incontest�s du suspense, on aura, on l�esp�re, compris que les classiques n�ont rien � envier � l�actuelle g�n�ration qui, si elle renouvelle - parfois m�me excellemment - le genre, n�aura cependant rien invent�. Alors, si l�envie vous en prend, allez �cumer les biblioth�ques de vos grands-m�res qui regorgent g�n�ralement de ces d�licieuses vieilles �ditions du Masque � la couverture cartonn�e jaun�tre, ou bien arr�tez-vous au prochain Relais-H que vous croiserez, vous y trouverez les m�mes modernis�es. Croyez-moi, vos voyages s�en trouveront all�g�s, voire m�me grandis, surtout en cas de retard !
D�ailleurs, parlant de �a, c�est le moment d�aller me venger sur l�employ� SNCF qui m�attend sourire crisp� sur le quai d�une gare o� j�arrive avec plus de trois heures de retard suite � � des circonstances non imputables � la SNCF �. En cons�quence de quoi, si vous avez des avis � �mettre sur ce qui pr�c�de, merci de les adresser � Zone-litteraire, prison de la Sant�, cellule n�15 de la onzi�me division. Oranges bienvenues.
11 juillet 2004, TGV Nice-Paris. Ma�a Gabily
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