Il est beaucoup question de r�cidive ces derniers temps. Dans le domaine litt�raire, Gallimard vient indubitablement d�en �tre d�sign� coupable. Apr�s une rentr�e 2006 d�j� aur�ol�e de nombreuses r�compenses (prix Goncourt et prix Nobel, entre autres), la maison de la rue S�bastien Bottin r�cidive en beaut� en 2007. Car autour de la maison m�re gravite une n�buleuse de � petits � �diteurs qui, prim�s � leur tour, font le bonheur du groupe : prix D�cembre pour Cercle de Yannick Haenel, le Renaudot pour Chagrin d��cole de Daniel Pennac et le Femina � Eric Fottorino pour Baisers de cin�ma. Voil� pour les collections Blanche et de l�Infini. Prix Goncourt pour Alabama Song de Gilles Leroy et Wepler pour On n�est pas l� pour dispara�tre d�Olivia Rosenthal, respectivement au Mercure de France et chez Verticales, voil� pour les m�ritantes filiales. Une domination de la rue S�bastien Bottin qui, comme chaque ann�e, n�a pas manqu� de faire jaser.

Les premiers seront les derniers
Quid d�un d�bat de fond sur la qualit� litt�raire des textes prim�s ? Ce manque d��quilibre apparent a au moins le m�rite de rompre le ph�nom�ne consensuel du balancier qui veut donner le Goncourt chaque ann�e � un �diteur diff�rent, et satisfaire les diff�rents grands �diteurs de la place parisienne en offrant un prix � chacun... La qualit� des romans n�en fait pas moins d�bat, au point que la collusion soup�onn�e entre �diteurs et jur�s des prix a de nouveau �t� d�nonc�e. Certaines mauvaises langues insinuant par exemple que certaines dames du Femina devaient avoir des publications pr�vues prochainement chez Gallimard. Une imminence qui aurait fortement pes� sur leur choix� Aussi questionnables que puissent �tre les conditions d�attribution de ce prix, il n�en conserve pas moins un attrait �vident, y compris pour les deux honorables ex-jur�es qui avaient pourtant tir� leur r�v�rence lors de la derni�re �dition, plus ou moins volontairement il est vrai. Madeleine Chapsal, exclue l�ann�e derni�re, et R�gine Desforges, d�missionn�e par solidarit�, ne semblent en effet pas totalement avoir fait le deuil de leur statut de membres d�cisionnaires de l�attribution de ce prix de femmes. Le jour dit, l�appel du Crillon s�est fait sentir et les deux comparses se sont install�es dans les salons dudit h�tel avec l'intention avou�e de perturber le d�roulement du protocole. Elles ont d'ailleurs parfaitement r�ussi � voler la vedette � celle qui a d'abord tent� de proclamer les r�sultats, contrainte de patienter tandis que les journalistes se r�galaient des commentaires des deux autres.
Un tel � happening � �tait-il r�ellement n�cessaire ? Une pointe de ranc�ur y est manifeste, qui ne sert gu�re l�image de ces deux ex ayant tant vilipend� le fonctionnement de ce prix l�an pass�. N�auraient-elles pas gagn� � se m�nager une petite place � l�ombre, ne serait-ce que, pourquoi pas, le temps de travailler � la cr�ation d�un autre prix, "plus �thique".

T'a'ar ta gueule � la rentr�e
Rien � voir cependant avec le d�bat surgi apr�s l�attribution du Renaudot � Daniel Pennac, pourtant absent des s�lections depuis le d�but� Une surprise, injustifi�e ou d�plac�e pour nombre de commentateurs, qui a donn� lieu � de nombreuses empoignades verbales entre Franz-Olivier Gisbert, qui dirige ce prix, et Christophe Donner, laur�at favori jusqu�� ce que� Que l�on aime ou non le roman de Pennac et qu�on l�estime ou non meilleur que celui de Christophe Donner n�est � la limite pas la question. A quoi bon �tablir une liste si c�est pour en choisir en dehors au final. Autant qu�un manque de respect des auteurs et des �diteurs s�lectionn�s en premier lieu, c�est un d�saveu m�me de la pertinence de la s�lection de d�part que constitue cette d�cision. Surtout, elle ravive les doutes quant au mode de d�cision, jeux d�influence et camaraderie semblant l�emporter sur tout d�bat qualitatif. Franz-Olivier Gisbert a beau jeu de mettre en avant la beaut� et le caract�re d�j� classique du texte de Daniel Pennac, ce n�est pas r�ellement un roman. Et Christophe Donner a beau r�cuser toute aigreur dans ses attaques � l�encontre des jur�s, il n�en n�est pas mois profond�ment d��u� Quant � l�int�ress�, � la fois enchant� et g�n� par son prix, on l�a finalement bien peu entendu. Ses ventes d�j� plus que satisfaisantes en temps normal ne devraient pas en p�tir !
Dans cette tourmente de ragots � la fois si pr�visibles, presque attendus, et pourtant aussit�t regrett�s, il est bon de voir certains prix s�ancrer dans ce calendrier automnal sans que la dur�e ne semble en rien en compromettre l�int�grit�. Le prix Wepler, initi� par Marie-Rose Guarni�ri de la librairie des Abbesses et soutenu par la fondation La Poste, doit � son jury tournant de conserver une libert� de choix. Il a cette ann�e f�t� sa dixi�me �dition avec un succ�s et une popularit� grandissante, en t�moigne la foule qui se pressait dans la fid�le brasserie Wepler le soir de la proclamation du prix.
Ces prix, cibles de toutes les critiques et moqueries et pourtant si convoit�s, continuent pour la plupart � jouer leur r�le d�aiguillon des lecteurs. Et si l�on est las des querelles germanopratines qui divisent auteurs et �diteurs hexagonaux, peut-�tre peut-on jeter un �il aux auteurs �trangers r�compens�s cette ann�e, dont la qualit� apporte une bouff�e d�air frais : Les disparus de Daniel Mendelson paru chez Flammarion et Le go�t de la m�re d�Edward St Aubyn paru chez Christian Bourgois. Comme la v�rit�, le talent est ailleurs.

Laurence Bourgeon