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La raison du plus fort
Deux auteurs sud am�ricains de la m�me g�n�ration : Angel Parra est Chilien, Carlos Liscano uruguayen. Les m�mes circonstances ont pouss�s les deux hommes � �crire : l�enfermement.
En 1973, l�arm�e de leurs pays respectifs s�empare du pouvoir et met en place une dictature avec sa machine r�pressive infernale. Les deux hommes, d�une vingtaine d�ann�es � l��poque, sont arr�t�s pour dissidence et jet�s en prison pendant une douzaine d�ann�es. D�ailleurs c�est par la description de leur arrestation que commencent leurs romans. D�abord des militaires qui cognent, un matin, � la porte de chez eux. Ils sont enjoints � les suivre sans autre forme de proc�s que des insultes, des coups et la menace des armes. Puis s�ensuit le r�cit du temps de leur emprisonnement. Mains sur la nuque d�Angel Parra est s�rement plus proche de l�exp�rience v�cue par son auteur que le roman de Carlos Liscano. Rapha�l, le narrateur raconte son quotidien et celui de ses compagnons de cellule. Le stade d�saffect� transform� en un immense terrain carc�ral. Les premi�res nuits pass�es la peur au ventre � se demander si on sera le prochain fusill�. Ces corps ensanglant�s jonch�s au sol. Le retour au vestiaire des prisonniers soumis � la torture. Cette r�alit� innommable devient vivante dans la bouche du t�moin. La survie s�organise au fur et � mesure que le temps s��coule et les hommes trouvent des alternatives � la folie. Malgr� l�horreur, la narration gr�ce � l�humour et � l�ironie, ne sombre jamais dans le mis�rabilisme.
Carlos Liscano a choisi, quant � lui, de se d�tacher de son v�cu en ayant recours � la m�taphore. Dans Souvenirs d�une guerre r�cente, il imagine un jeune homme enr�l� de force dans l�arm�e dans une guerre o� l�ennemi reste invisible. Dans un camp d�entra�nement isol� dans la for�t, ce dernier ex�cute les t�ches qu�on lui a assign� : surveillance d�un rocher, ramassage du crottin, puis la traduction de brochures anglaises. Dans ce roman sur l�ali�nation, il d�montre les paradoxes de la libert�. Pour �chapper � l�assujettissement de l�institution militaire, l�homme s�invente une vie imaginaire dans laquelle il est libre. Pourtant apr�s sa lib�ration effective, il retourne de lui-m�me s�engager dans l�arm�e. Contre la tyrannie, il reste le pouvoir de l�imagination : libert� universelle et inali�nable. � L�homme n�est jamais aussi libre que lorsqu�il r�ve � disait Schopenhauer.
Mains sur la nuque, Angel Parra,
Ed. M�taili�, 38 pages, 16 euros.
Carlos Liscano, Souvenirs d'une guerre r�cente,
Ed.Belfond, 160 pages, 17,50 euros. Doreen Bodin
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