Loin de Paris, il peut aussi se passer des choses pour les amoureux de la litt�rature en France. Plus de 250 auteurs en signatures, plus une dizaine d�expositions (des photos de Raymond Depardon, un hommage � Joseph Conrad, Henri de Monfreid et Enki Bilal�) dans pr�s de neuf lieux diff�rents, sans oublier un festival de films, des lectures et des conf�rences toutes les heures. Pour sa 18�me �dition, le festival Etonnants voyageurs de Saint-Malo s�est montr�, selon les mots de son initiateur Michel Le Bris, "g�n�reux voire boulimique".

Nulle destination d�finie cette ann�e. Mais une multitude, puisqu�il s�agirait plut�t d�un espace aux fronti�res floues et fluctuantes, l� o� les lignes administratives et g�ographiques trouvent leurs limites. En 2007, c�est un questionnement qui est � l�honneur. A l�heure de la mondialisation, quelle place, quelle �volution pour la culture, et plus pr�cis�ment la litt�rature ? Face � la dominante anglophone, force est de constater que le fran�ais des Hexagonaux tend � faiblir et a refluer dans les ventes et le coeur des lecteurs du monde. Et si le salut de la litt�rature en langue fran�aise venait plut�t des francophones d�adoption, de c�ur, que des Fran�ais de souche ? Preuve que le fran�ais attire toujours tout en souffrant d�un certain �reintement, l�attribution des prix litt�raires
de la rentr�e derni�re � une s�rie d�auteurs �crivant en fran�ais mais d�origine �trang�re. Simple co�ncidence ou signe d�un certain �puisement de la litt�rature fran�aise du cru ? Le temps serait en tout cas venu, selon les organisateurs, de parler de litt�rature monde en langue fran�aise et de bannir le terme de francophonie, galvaud� puisqu�il ne recouvre aucune r�alit� pr�cise. En effet, qui parle le francophone ? A quoi bon cr�er un mot pour une langue qui est la m�me, la seule particularit� �tant qu�elle est �nonc�e par un non-natif de France ?
Loin de c�l�brer une r�elle communaut� d�esprit, de langage et de culture, la francophonie aurait plut�t tendance � recr�er des cloisonnements au sein des universit�s, des librairies et des maisons d��ditions qui lui attribuent des chaires, des rayons ou des collections particuli�res et tendent ainsi � les marginaliser plus qu�� les mettre en lumi�re. R�volution des mots ou coup d��p�e dans l�eau ? La question aura au moins eu le m�rite de relancer le d�bat.
Et c�est donc une brise particuli�re qui aura souffl� sur la cit� corsaire.
Entre le Palais du grand large, o� ont lieu les principaux d�bats, et la halle du salon du livre, � quelques encablures des vieux gr�ements et de la tombe de Chateaubriand, l�on croise aussi bien Bernard Pivot et Bernard Giraudeau que Douglas Kennedy et Isabelle
Autissier. Cap sur le livre de voyage et du monde sous toutes ses formes. Pour ceux qui n�ont le pied qu�� demi marin, mieux valait toutefois s�y aventurer le samedi car les rafales du lundi de Pentec�te se sont montr�es particuli�rement agressive, contraignant les libraires � prendre cong� de leur stand pendant une demi-journ�e pour cause de semi inondation. N�est pas libraire malouin qui veut� Mais rien n�aura dissuad� les plus accros de savourer d�bats et signatures jusqu�� la derni�re minute. Preuve que fran�aise, francophone ou du monde, la litt�rature est bien vivante.

Laurence Bourgeon