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Belles �trang�res
Elles sont fran�aises mais leur coeur bat ailleurs. Minh Tran Huy et Ingrid Thobois nous livrent deux premiers romans rafra�chissants.
A chaque rentr�e litt�raire sa pl�thore de premiers romans : sauf ph�nomm�ne exceptionnel � la Jonathan Littel, difficile de trouver parmi eux celui qui m�rite d'�tre sorti du lot. Cette fois, on ne tranchera pas : La Princesse
et le p�cheur et Le Roi d'Afghanistan ne nous a pas mari�s sont deux premiers textes de qualit�, ayant pour point commun de d�crire un double amour,celui pour un homme et celui pour un pays.
La narratrice du Roi d'Afaghanistan... obtient un poste d'enseignante � Kaboul : � son arriv�e, elle tombe amoureuse de Nathan, son directeur. Plus �g� qu'elle, c'est surtout un homme mari�, p�re de famille. Chez Minh Tran Huy, l'h�ro�ne s'appelle Lan, elle a 15 ans lorsqu'elle rencontre au cours d'un voyage scolaire un "compatriote" vietnamien, Nam, � peine plus �g� qu'elle. Si
Lan est n�e en France de parents r�fugi�s, Nam est lui depuis peu � Paris, il habite dans un foyer d'accueil et vit dans l'espoir de faire venir � son tour sa famille rest�e l�-bas.
Deux pays, deux hommes, deux �critures : car si ces demoiselles ont le m�me �ge - moins de 30 ans - nos auteures situent leurs h�ro�nes � des phases de maturit� bien diff�rentes. Ingrid Thobois �crit la femme amoureuse et bless�e, esp�rante et d��ue, passionn�e et d�sillusionn�e, tour � tour radieuse et souffreteuse,
rejouant pour nous les accords communs � toutes les relations adult�res. Minh Tran Huy s'ancre elle dans la fin de l'adolescence, ce moment o� vivre un amour platonique est mieux que de prendre le risque de le perdre en s'y confrontant, ce moment o� tout semble possible, ce moment o� chaque instant est � la fois unique et d�j� perdu : "Mono no aware" nous dit-elle ("l'instant juste pass�").
Mais chez ces deux jeunes femmes, avec l'amour vient le pays. L'Afghanistan d'Ingrid Thobois se dessine tout en contrastes : lumineux, color�, gai, il s'obscurcit devant le "chadri" ("voile")des femmes, �teint la musique qui l'anime au son des bombes des attentats-suicide. Et pourtant, comment ne pas r�ver de l'anecdote du courrier ? La narratrice recevra durant deux ans ses lettres adress�es � "l'enseignante fran�aise, la petite porte bleue, Qalai Fatullah, Kaboul, Afghanistan".
Le Vietnam de Minh Tran Huy est plus lointain, il prend corps dans les r�cits de sa grand-m�re, dans le merveilleux des contes dont se berce l'h�ro�ne depuis son enfance, il existe enfin dans les deux voyages que fera Lan avec sa famille. Ces deux s�jours l�-bas donneront lieu � des rencontres bouleversantes avec ceux qui sont "rest�s", ceux qui ont fui la guerre mais pas toujours de la m�me fa�on : ainsi des parents de Lan, qui font r�aliser � la jeune fille qu'ils ne sont au
fond "ni vietnamiens, ni fran�ais... on parle de double culture, de racines transplant�es dans un autre sol, d'h�ritage � conserver tout en s'int�grant, mais on oublie qu'en r�alit� les �tres n�s ici et vivant l� ne sont de nulle part".
M�me si on a des r�serves sur le c�t� parfois infantil de l'�criture, La princesse et le p�cheur est un roman plaisant, s'effor�ant d'�voquer un Vietnam loin des cartes postales et qui interroge avec intelligence la notion d'identit�, des origines. Plus adulte, le roman d'Ingrid Thobois lorgne plut�t du c�t� du r�cit de voyage, la narratrice racontant les nombreux d�placements qu'elle effectue durant son s�jour an Afghanistan, qui sont chaque fois comme autant d'�tapes de sa passion amoureuse.
Deux jolis romans � d�couvrir pour s'a�rer l'esprit.
La princesse et le p�cheur, Minh Tran Huy, Actes Sud, 18 euros, 186 pages.
Le Roi d'Afghanistan ne nous a pas mari�s, Ingrid Thobois, Ph�bus, 13,5 euros, 143 pages. Ma�a Gabily
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