Depuis juin 1998, il n’y a plus de bizutage en France, d’après la loi… Pour son premier roman, Solenn Colléter aborde un sujet de société brûlant car volontairement mis de côté. Le débat sur le bizutage est passé de mode. Maintenant, tout va bien, s’en est fini de cette pratique barbare au cours de laquelle l’élite de la nation se vautre dans la fange sous le regard à la fois bienveillant et sadique de leurs aînés. Mais que se passe-t-il réellement derrière les grilles infranchissables du plus prestigieux lycée privé de Classes préparatoires aux grandes écoles de l’Hexagone, le très jésuite Sainte-Thérèse à Neuilly ? Laure a intégré l’école pour suivre Martin, son héros, celui qui lui a fait prendre conscience de sa valeur au sein d’une famille brisée dont elle est le pilier. Mais elle ignore que le bizutage est encore en cours, qui plus est, encouragé par le directeur et les professeurs. Un bizutage sordide et violent sensé inculquer aux nouveaux les valeurs fondamentales. Laure, surnommée très vite « godiche » par les bizuteurs, se tait et se hait face à la violence qui se déroule devant ses yeux, causant des dommages tant physiques que psychologiques. Même lorsqu’elle voit le corps sans vie de l’un de ses camarades, elle ne peut se résoudre à se révolter, par lâcheté et instinct grégaire. Dès lors elle n’a de cesse d’essayer de trouver une issue mais seule contre tous, elle apparaît aux yeux des autres comme hystérique. Comment se sortir de cette impasse, abandonnée de tous, en proie au mépris et à un mystérieux harceleur qui pourrait très bien être le tueur ? Engagez-vous qu’ils disaient Dans un style à la fois simple et clairvoyant, Solenn Colléter nous décrit les affres de cette jeune fille « normale », jetée, seule et incomprise dans le tourbillon de cette folie organisée. Elle insiste particulièrement sur le déroulement du bizutage, technique élaborée au fil des années pour un lavage de cerveau complet. Le but étant que chacun entre dans le moule de la société. Des dirigeants qui perdent tout sens critique, ravalant leur honte et se rapprochant de leur bourreau selon le schéma connu du syndrome de Stockholm. Sous des allures de roman policier, il s’agit d’un livre engagé, miroir d’une société formatée empreinte de violence et de soumission. L’héroïne s’interroge, « qu’est ce que ça veut dire jouer à souffrir ? ». Dans un monde déjà violent, elle ne comprend pas ce jeu cruel et surtout la complaisance des victimes à se faire maltraiter. Elle ne parvient pas à entrer dans le moule, subissant la violence de plein fouet, morte sans n’avoir rien appris de cette société bestiale et tellement humaine. Maixent Puglisi
Zone Littéraire correspondant
Je suis morte et je n’ai rien appris Solenn Colléter Ed. Albin Michel 0 p / 0 € ISBN:
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