Après un récit fictionnel, Le complot contre l’Amérique, dans lequel Charles Lindbergh était président des Etats-unis et qu’un pacte de non agression était signé avec l’Allemagne nazie, Philip Roth nous ramène à une réalité d’autant plus grave et touchante qu’elle nous concerne tous, la Mort. Le roman de Philip Roth est tout entier consacré à la mort et à la décadence du corps. Le héros ? Un homme ordinaire, un homme parmi d’autres, ce qui le rend d’autant plus touchant. Philip Roth rend l’identification immédiate par un style simple et incisif. Cet homme, c’est tout un chacun. On naît, on vit, on meurt, dans l’intervalle, on fait ce que l’on peut, avec toujours cette épée de Damoclès qui nous rappelle notre vanité. Un homme a vécu une vie bien remplie entre ses trois ex-femmes très différentes et ses trois enfants dont deux fils qui le méprisent et une fille exempte de tous défauts. Et pourtant l’idée de mort l’a suivi tout au long de sa vie. Arrivé au seuil de son existence, isolé et envieux de la santé resplendissante des autres, particulièrement de celle de son frère, qu’il hait malgré tout l’amour qu’il lui porte, un homme qui séjourne régulièrement à l’hôpital ne peut que se souvenir et fantasmer ses désirs. Philip Roth traite du corps, de sa fragilité et de sa détérioration inéluctable sans pour autant s’abîmer dans le cliché. L’homme est touchant dans sa fragilité, dans ses erreurs et ses errances, luttant vainement pour sa survie, mais toujours plus accablé par le poids des ans. Pour Roth, « Ce n’est pas une bataille la vieillesse, c’est un massacre. » D’où un roman empreint de mélancolie, à travers une écriture profonde où chaque mot à sa raison d’être, donnant plus d’impact à la pesanteur de ce corps qui échappe à tout contrôle. To be or not to be L’approche de la mort et la solitude sont aussi l’occasion pour un homme de faire le bilan de son existence. Philip Roth ne nous propose pas une vie guidée par ses envies et des choix conscients mais plutôt une vie chaotique où le libre-arbitre n’est qu’abstraction. Un homme n’a pas choisi sa vie, il l’a subie en prenant des directions plus ou moins bonnes. Malgré ses réussites professionnelles - il est publicitaire à succès dans une agence à New York - sa vie personnelle n’est que roulis et tangages. Ce n’est qu’à la fin de sa vie qu’il peut enfin se consacrer à sa passion la peinture, espérant l’apaisement, mais même sa passion l’abandonne. De ses frasques amoureuses, il ne reste que le souvenir de la rupture et la culpabilité d’avoir abandonné femme et enfants. C’est un nouveau chef-d’œuvre que nous offre Philip Roth, un récit poignant sur le sens de la vie et les difficultés de l’existence. Avec son style chirurgical, des descriptions courtes et incisives, il met le doigt là où ça fait mal, l’air de rien, comme s’il relatait des faits. Mais c’est justement cette apparente froideur qui confère au livre toute sa chaleur, humaine bien sûr. Maixent Puglisi
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Un homme Philip Roth Ed. Gallimard 0 p / 0 € ISBN: 9782070780
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