Deux garçons, une fille… beaucoup de possibilités. Les (anti) héros de Barbara Israël sentent bon la nostalgie des eighties, et nous ramèneraient presque à une époque qu’on n’a pas tellement connu… La bande-son est omniprésente. Les pages se tournent sur fond des Smiths, des Pet Shop Boys et d’autres groupes tubesques des années 80... On ne pourrait se soustraire au côté audio de ce chouette premier roman, qu’on saurait conseiller à tout lecteur désireux de s’approprier une époque bien remplie. Une période où le rock et la pop permettaient encore de s’identifier à des groupes un peu spirituels, et où regarder devant soi ne revenait pas forcément à fixer l’ennui télévisuel… Avec Pop heart, qui est signé comme un album rétro, Barbara Israël nous plonge avec délice dans un bain de jouvence, et c’est bien simple : on n’y oppose aucune résistance. On se plaît à suivre ces trois « vieux ados » que sont Moïse, Antoine et Zac. A trente ans, ces trois-là vivent encore chez papa-maman et passent le plus clair de leurs soirées dans le peu fréquentable, et dans le tout disloqué. Ils draguent, ils gobent des ecstas, ils se shootent au son de leur époque, ils sniffent leurs envies dans l’espoir d’étoffer un peu leur carapace… Mais ils s’y prennent souvent très mal. Dans ce trio, qui flirte parfois avec le threesome (sorte de triangle amoureux et sexuel), on a d’abord Moïse, « une fille qui ne sait jamais ce qu’elle veut ni ce qu’elle regrette ni ce qu’elle veut regretter ni encore ce qu’elle regrette vouloir ». La jeune femme est souvent flanquée d’Antoine, le belâtre aux cheveux longs, et de Zac, qui désire furieusement Antoine mais qu’Antoine a furieusement échaudé. Pour les jeunes des années 90 cette fois : on ne peut que penser au fameux Deux garçons, une fille, trois possibilités, qui proposait le même triangle sulfureux… Fans des années 80 Composé comme un journal intime à trois voix, le roman est construit sur la jonction de plusieurs focalisations : ainsi, il permet de suivre les narrations personnelles de chacun des personnages. Et de ne jamais en perdre une miette sur « qui-pense-quoi-de-qui », au passage… On se sent donc au courant de tout, constamment, comme si l’on faisait partie des murs. Barbara Israël s’amuse ainsi à tordre ses personnages, à les lier et les délier comme les paroles sucrées d’une chanson pop ; et l’on suit leurs mésaventures, dans une oralité et un détachement des conventions déconcertants. Ce qu’il advient des protagonistes, de l’intrigue ou des dialogues eux-mêmes n’est jamais téléguidé par une quelconque volonté de bienséance : il n’y a pas un mot de trop, le style évite le pompeux et l’auteure se plaît à surprendre, constamment, pour contourner les lieux communs. Il y a une vraie nostalgie, dans Pop heart. Une sorte de velouté mâtiné de mélancolie, mais on n’éprouve jamais de regret – cette variante somme toute plus vile de la nostalgie. Dans ce joli premier roman, aux aspects de partition musicale, la jeunesse et les cœurs ont un doux parfum grenadine...
Julien Canaux
Pop Heart Barbara Israël Ed. Scali 236 p / 19 € ISBN: 2350121437
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