Les affres d’une « ménagère désespérée », arrosées de sexe cru et d’infidélité crasse. La frigidité n’est que la partie émergée de l’iceberg. Impudique, forcément impudique, La mariée mise à nu… On entre dans le livre comme par effraction dans la chambre de sa grande sœur et on en sort parfaitement au fait du fonctionnement clitoridien. Apparemment largement autobiographique, la mariée mise à nue jette ses fringues dans le sens du vent : celui du désespoir domestique, du corset psycho-sexuel et, au final, de la désincarnation qu’impose le rôle de la bonne épouse, souriante et douce. Mais même le château de Cendrillon a ses cachots humides et Nikki Gemmel emprunte régulièrement les passages secrets qui y mènent. De Cole, mari sage et aimant mais pas bien fantasque, à Gabriel, le puceau magnifique « au luth constellé d’étoiles », pour parodier de Nerval, l’épouse varie, chancelle et échange pour finir par vaciller. On remonte finalement avec la mariée à l’origine du mot passion, du latin patior soit littéralement souffrir, avec cette conception très judéo-chrétienne du plaisir : « prend ton pied, ta croix t’attend ». En cela, la mariée mise à nu sous des dehors de modernité narrative – le livre est divisé en une centaine de "leçons" très courtes – est aussi paradoxalement romantique. Nikki Jemmel ne se prive pas d’ailleurs de jeter des ponts entre les époques : ces « leçons » sont tirées d’un code de bonne conduite à l’usage des Anglaises période élisabéthaine. Un peu l’étalon-mètre de la frustration sentimentale et sexuelle à l’échelle historique. N’avoue jamais, jamais… L’histoire d’initiation – un rien cucul, il faut bien l’avouer – de la belle et tendre épouse devenant femme fatale cache ainsi un manifeste du plaisir et de l’émancipation corporelle. Nikki Gemmell n’écrit d’ailleurs pas que de la fiction, comme son précis Pleasure : an almanach for the heart, sorte de manuel sur « la vie, la mort et tout ce qu’il y a entre ». Un peu papesse, Nikki, mais dans le secret : la mariée mise à nu est d’abord paru anonymement en 2004, avant que l’auteure n’en assume la maternité, contrainte et forcée suite à l’investigation d’un journaliste. Nikki Gemmell se défend de faire de la « littérature pornographique », et, si il est vrai que si les scènes de fesses sont crues, il n’y a rien qui ferait sourciller le lecteur d’une Catherine M. Peut-être l’effet de la pudibonderie anglo-saxonne mais plus surement la volonté d’identifier n’importe quelle lectrice à cette Mariée et de construire un boudoir commun entre ses lignes. Le livre a été traduit en quinze langues, et ce n’est pas l’effet du hasard : la prose est jolie comme un tanga et la narration en post-its pas bien compliquée à saisir, sur le mode du journal intime à la deuxième personne. Le cœur « bat fort » toutes les deux pages, et les métaphores sont belles comme une pub Yves Rocher. Malgré cela, le livre possède un charme candide, avec juste un avant-goût de luxure, malheureusement trop édulcorée pour en rougir: Nikki nous prive de l'interdit.
Laurent Simon
La mariée mise à nu Nikki Gemmell Ed. Le Diable Vauvert 356 p / 22 € ISBN: 2846261202
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