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14

Jui

2008

Le malheur indifférent ?
Écrit par Laurence Bourgeon   
Chaos calme, un parfait oxymore pour un roman qui n’a rien d’un lourd exercice de style. Survol à la fois grinçant et touchant d’un apprentissage du deuil en apnée dans les faubourgs milanais.

Pietro devrait être le plus malheureux des hommes. Lara, sa femme, vient de mourir, le laissant seul avec Claudia, leur fille de dix ans. Disparition d’autant plus dure qu’il n’était pas à ses côtés lorsqu’elle s’est produite, occupé qu’il était à sauver la vie d’une riche héritière sur le point de se noyer. Il pourrait culpabiliser, s’interroger sur l’étrange simultanéité de ces deux événements, être assailli par ces sentiments et ces questionnements qui sont les pendants habituels de la mort d’un être proche. Et pourtant, aucune douleur ne semble le tirailler.
« Ca va arriver ? Ca va arriver? », ne cesse-t-il de se répéter. Il l’a tellement lu, vu et entendu. Il reçoit tellement de témoignages de compassion et de messages de condoléances. Ce qu’il vit et traverse actuellement ne peut être qu’insupportable. Bien plus que la fusion qui menace l’entreprise qui l’emploie, risquant de provoquer des licenciements en masse. A sentiment inattendu, réaction inattendue donc. Anticipant le travail de deuil qu’il devra, il n’en doute pas, bientôt entamer, il met sa carrière professionnelle entre parenthèses et décide de demeurer présent 24h sur 24h aux côtés de sa fille. Celle-ci étant néanmoins, et normalement, scolarisée il dresse le camp devant son école et l’imagine, l’observe, veille sur elle en pensée sur le siège de sa voiture garée avec soin devant les grilles. Cette posture n’a rien de temporaire. Toute l’inventivité de Sandro Veronesi tient en ce qu’il installe dans la durée cette posture qui pourrait n’être que temporaire. Ce retrait, ce recul devient un véritable mode de vie pour Pietro, au point qu’il va peu à peu faire partie du paysage.

« We are all accidents waiting to happen »
Et c’est incroyable le nombre de choses qui peuvent se produire à rester immobile dans sa voiture. Au grand désespoir de ses collègues et à la grande surprise de ses proches, pas question pour lui de s’ennuyer. Il fait de sa voiture non pas un lieu de recueillement mais un poste d’observation idéal du voisinage de l’école primaire de sa fille devant laquelle il reste posté toute la journée, sans interruption entre le moment où il la dépose le matin. Dans l’expectative, attendant, comme un Vladimir ou un Estragon, on ne sait quelle révélation ou que la bulle de sa souffrance n’éclate, Pietro devient le témoin le plus informé de l’activité du quartier. C’est alors Perec qui prend le relais de Beckett. Comme l’auteur de Tentative d’épuisement d’un lieu parisien assis à la terrasse d’un café de la place Saint-Sulpice, Pietro dresse des listes, questionne ses souvenirs et observe les micro-événements du pavé milanais. Par un curieux effet comique, le jeune veuf qu’il est se voit converti en confesseur de la ville. Très vite, la solitude le cède en effet à la foule et aux rendez-vous quotidiens. Sous couvert de venir prendre de ses nouvelles et de lui apporter quelque soutien, ses collègues de bureau, son frère, sa belle sœur, certains passants et même un grand patron inconnu défilent sur la banquette de sa voiture pour lui confier leurs doutes, leurs frustrations et leurs colères.
Derrière cette confrontation des discours et des situations se cache une réflexion touchante mais jamais lacrimale sur le deuil, la normalité, et la standardisation des sentiments dans un monde où l’humain le cède de plus en plus aux logiques économiques de profit et les diverses névroses qui s’en suivent.
Car la mort n’est ici qu’un prétexte, un moment épiphanique par excellence particulièrement propice à la confusion de sentiments. Si Pietro est un temps perturbé par la certitude d’avoir rétabli le contact avec sa femme à travers les chansons de Radiohead qui lui semblent s’adresser évidemment à lui alors qu’il n’en avait jamais saisi le sens auparavant, son égarement semble minime en regard du chaos global qui semble frapper le monde alentour. Partir du particulier pour atteindre un général que seule une grande maîtrise romanesque rend possible, voilà ce que Sandro Veronesi accomplit, ménageant de nombreux rebondissements, avec un savant mélange d’humour et de tendresse pour ses personnages que l’on a rapidement l’impression de connaître tant leurs craintes et leurs défaillances sont proches des nôtres.

Laurence Bourgeon

Chaos calme
Sandro Veronesi
Ed. Grasset
510 p / 21 €
ISBN: 9782246724









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