Alina Reyes est reconnue pour son talent d’auteur de littérature érotique féminine : on lui doit, entre autres, son sulfureux Le Boucher. Et du sexe, on en trouve quelques bribes, dans La dameuse... Surtout au début du roman, quand il est encore affaire de vie, de joie et de liberté. En fait, avant que le cul ne devienne affaire de domination et de pouvoir sur l’autre. Mais sous couvert de légèreté et de simplicité, le dernier petit livre de chez Zulma se révèle finalement une vraie source de réflexion. Et même si l’on ne saisit jamais vraiment ce qu'il y a entre les lignes, on reconnaît pourtant les contours d’une écriture précise et impliquée. Au premier abord, le tableau qui nous est peint est celui d'une vie toute simple, aux accents bucoliques : celle d’une jeune fille de dix-sept ans, sorte de Heidi des temps modernes, qui vit dans les montagnes entre le café de ses parents, où elle aide un peu, et son chéri, le gentil Baptiste. Marie-Rosella, la bien nommée, semble donc skier dans le bonheur... Mais très vite, c’est le second éclairage qui nous est donné – et du charmant tableau bucolique, on bascule vers une toute autre affaire. A vitesse grand V, le roman nous plonge dans une nouvelle dimension : celle du viol... Une victoire sur la vie ?
Un viol commis par deux hommes que Marie-Rosella connaît un peu, et dont elle vit chaque seconde comme une éternité. A ce moment précis, la jeune fille est dans la neige, face contre terre, et l’on repense à Monica Belucci dans Irréversible, à cette froide réalité. Marie-Rosella se cramponne à la neige maculée de rouge, la fait sienne et, après son sévice, s’en sert pour se relever... Dans son esprit, la neige deviendra bientôt comme une sorte de confidente. Comme l'élément familier, qui était là, à l'aider dans la violence subie. Puis vient la vengeance... Avec tout ce qu’elle a de facile et de tentateur, dans ce contexte précis. Pour l’adolescente, se venger froidement de ses agresseurs se fait au moyen d’une dameuse – il fallait y penser. Et la vengeance devient alors une permission pour la vie, le grand air ; c'est un passage vers autre chose. Mais vers quoi ? Car si la jeune fille est enceinte, elle ne sait pas de qui... De son amoureux, dont elle a fini par s'éloigner, ou de l’un des violeurs ? Si l’on pense à un passage, concernant notre héroïne, alors ce sera celui qui mène à l’âge adulte, peut-être, avec son lot de choix et de virages en V, justement. Mais Marie-Rosella prendra grand soin du petit Jean-Loup ; même si l’on ne sait pas vraiment, dans ce curieux roman, de quel enfant il s’agit : de celui de la renaissance ? Ou de la violence intériorisée ? L’enfant de la victoire, sans doute, et de la victoire sur la vie... Avec un grand V.
Julien Canaux
La Dameuse Alina Reyes Ed. ZULMA 53 p / 7 € ISBN: 2843044496
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