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29

Jui

2008

Petites variations autour de la mort
Écrit par Laurence Bourgeon   
« Le but de cette histoire, c’est le rien. Cela au moins est clair. » Ceci étant énoncé au bout d’une quarantaine de pages, on ne saurait heureusement être dérouté ou même dissuadé d’une lecture présentée comme austère ou aride. En effet, s’il ne fait pas dans le lyrisme flamboyant, Basara nous entraîne avec bonheur dans une improbable balade à la chronologie aussi disloquée que l’identité du narrateur en perpétuelle quête de lui-même. Car parallèlement à la succession d’épisodes et tableaux aussi loufoques qu’improbables s’esquisse une réflexion sur le moi, son devenir et sa raison d’être sur Terre ainsi que sur les motifs de la création littéraire, qu’il maîtrise à merveille. La dislocation de la narration est ainsi le reflet d’une interrogation décalée mais sérieuse de l’auteur-protagoniste Basara. À quoi bon se préoccuper de l’ordre des faits dès lors qu’ils sont survenus ? Intervient alors le rôle de la mémoire et de l’invention artistique qui assimile l’écrivain à un démiurge quasi omnipotent donnant vie à des personnages et créant des événements selon son bon plaisir. Plaisir que Basara ne boude pas. Hétéroclite et brillant, il concocte un délicieux cadavre exquis ou l’enquête policière voisine avec des courses-poursuites dignes des plus grandes scènes burlesques du cinéma muet ou encore des scénarios de série B et des considérations philosophiques à première vue dérisoires ou rebattues, mais jamais vraiment résolues. Que passe-t-il par la tête d’un homme qui chute de la Tour Eiffel ? Comment réussir le crime parfait ? Comment un homme peut-il se retrouver enfermé dans un supermarché et que fait-il pour en sortir ? Voici quelques-unes des variations qui nous sont proposées pour questionner le passage du temps, la mort et le moi. Et si l’on a parfois l’impression d’être mené en bateau dans ce récit qui ne cesse de tourner en dérision et de contredire les affirmations ou certitudes assenées quelques lignes plus haut c’est qu’il tient à nous maintenir notre attention en éveil et dénoncer la potentielle manipulation des esprits par le langage.
Inclassable mais salutaire, ce petit livre qui échappe à tout politiquement correct se joue des conventions, fustige avec intelligence toute tendance vaniteuse ou égocentrique et appelle à la vigilance vis-à-vis de toute forme d’évidence ou d’autorité. Le tout ne cédant jamais au moralisme et toujours emprunt d’un humour bénéfique.

Laurence Bourgeon

Perdu dans un supermarché
Svetislav Basara
Ed. Les Allusifs
178 p / 16 €
ISBN: 978292286









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