La disparition de Richard Taylor Un homme et onze femmes. Autant de possibilités qui se trouvent amoindries lorsque Richard Taylor vient à disparaître. Pour l’une, il est le fils, pour l’autre, le frère, le mari, un collègue, un voisin, un ami, un homme croisé, aimé, abordé, fantasmé. Toutes l’ont, un jour au moins, connu. Et pour toutes sa rencontre aura été marquante, plus ou moins bouleversante. La réciproque aura-t-elle été vraie ? La réponse reste en suspens. Car c’est après le départ de Richard Taylor que ces différentes voix féminines se trouvent convoquées. Faisant le choix de cette polyphonie, Arnaud Cathrine orchestre le portrait en négatif d’un homme parfois incompris, y compris par lui-même, souvent taiseux, qui découvre, mais un peu tard, qu’il a mal joué sa vie. Qui était vraiment Richard Taylor ? Si être, c’est avant tout être perçu, les différentes facettes de cet homme qui nous sont livrées par le prisme de ces femmes qui l’ont côtoyé nous donnent certainement quelque chose à entrevoir de la vérité de sa personnalité. Tout est une question d’image. Celle que l’on souhaite donner de soi-même, celle que les autres ont de nous et celle que l’on se renvoie à soi-même. Lorsque la coïncidence n’est pas parfaite, elle occasionne des ruptures dont les conséquences peuvent aller bien au-delà d’un bris de glace. Entre une présence à la fois pesante et évanescente et une absence libératoire mais égoïste, l’existence de l’homme moderne prend des airs d’art de la fugue. La disparition de Richard Taylor, d'Arnaud Cathrine Ed Verticales Samedi Il y a des jours où le destin d’un homme coïncide étrangement avec celui de son pays. Alors que Londres résonne des clameurs des manifestations contre la guerre en Irak, Henry Perowne se préparait à passer un samedi qui augurait du meilleur. Malgré une petite insomnie, des retrouvailles familiales raréfiées et donc d’autant plus précieuses s’apprêtaient à clore une journée alternativement consacrée aux loisirs sportifs et culinaires. Or, en lieu et place de la détente prévue, un accrochage de voiture va faire déraper son existence et celles de ceux qui l’entourent. Une journée après laquelle rien ne sera plus comme avant et dont les heures, égrenées, commentées et disséquées, constituent la trame de ce roman. Une gageure : tenir le lecteur en haleine sur 350 pages. Mc Ewan la relève avec brio, tirant parti de cette unité de temps a priori effrayante pour alimenter la tension d’un suspense grandissant. Il ausculte la fragilité des liens familiaux pourtant précieux, où non-dits et surprises sont de la partie. Un samedi dont la fièvre ne se limite pas à la soirée et que l’on n’est pas près d’oublier. Samedi, de Ian McEwan Ed Gallimard A moi pour toujours Ce sont des mots que nombre de midinettes rêveraient de s’entendre murmurer à l’oreille. Pourtant, c’est à l’aube de la quarantaine que Sherry découvre un billet anonyme porteur de tels mots doux, dans son casier de professeur. La première fois, elle y voit une erreur. La deuxième, le doute surgit et à la troisième il n’est plus possible. Pour elle, qui mène une existence plus que rangée dans une province américaine avec son mari et son fils, c’est un profond bouleversement. Un besoin compulsif de démasquer le rédacteur de ces missives se fait sentir. Et lorsque le mari, averti, surenchérit dans ce jeu dangereux, le dérapage devient inévitable. A moi pour toujours n’est pas une simple histoire de jalousie ou de trahisons. Plus que de l’eau de rose, c’est l’empreinte d’American beauty qui se fait sentir. Car c’est le même surgissement d’un évènement infime dans une existence en apparence posée et ordonnée qui va faire mettre au jour tensions, incompréhensions et frustrations dont la révélation, risque de tourner au drame. Comme s’il était le seul moyen de s’extirper de la médiocrité ambiante. Le tout décrit avec un tel sens du détail que l’on croirait y être par moments. Laura Kasischke n’appartient pas à la littérature du banal, dans la mesure où le quotidien ne constitue pas la matière de ses romans. C’est plutôt là où le quotidien dérape qu’elle s’accroche. Mais c’est bien par l’attention et la place de choix qu’elle accorde aux menus détails de la vie quotidienne, qu’elle concocte une escalade dramatique parfaitement maitrisée… transformant son roman en un véritable jeu de pistes. Mais on ne joue pas sans péril avec les sentiments. A moi pour toujours, de Laura Kasischke Ed Christian Bourgois
Laurence Bourgeon
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