Des lesbiennes culturistes, une geôle high-tech… Le tout mêlé de romantisme totalitaire : entre le Panopticon, Sarkoland et Prison Break, voici le mutant Technosmose. La next-gen de la littérature de genre ? C’est bien beau l’anticipation sociale. Ca peut permet de parler sans avoir l’air d’y toucher de sujets brulants, un petit saut temporel et le tour est joué. Et puis, c’est étonnamment très à la mode depuis une paire d’années chez nos écrivains pétris d’actu sociales, flammèches trop éphèmères pour nourrir le long feu d’un roman. Technosmose assume plutôt crânement cette filiation, entre pop culture – le pitch du roman est celui d’un bon film d’évasion – et descendance stylistique ultranoble. Quelque part entre le romantisme à favoris du XIXème siècle, Stendhal – d’ailleurs cité – en tête de liste, et le « techno roman » à l’américaine, précis jusqu’au vertige anatomique. Intuitivement, on mesure déjà l’écart presqu’abyssal qui sépare ces influences. Heureusement Matthieu Terence fait preuve d’une habileté certaine à la danse sur les précipices, quitte à décontenancer, ce qui est bien un moindre mal par les temps littéraires qui courent. On suit donc parallèlement la détention d’Iris, une jeune femme emprisonnée pour le meurtre de son mari et celle de l’assistant de l’architecte d’Atlin, la prison en question. Cela va de soi, sa condamnation cache un lourd secret qu’un soudain manque de sadisme nous empêchera de dévoiler. Binaire Le parti pris de Terence est dual : une bonne narration à suspense et de l’introspection sentimentale, soit le meilleur des lettres de part et d’autre de l’Atlantique, dans le même opus. Pari gonflé. Est-il réussi ? Oui, sous beaucoup d’aspects. Mais si le diable est parfois dans les détails, il est aussi souvent dans la structure. A trop cloisonner les deux histoires de Technosmose, Terence a perdu au passage une partie de la magie qui anime toute histoire. La césure entre les deux personnages principaux est un peu flagrante : à toi le suspense, à moi la rhétorique, auraient pu se dire les deux héros. Tant pis pour la magie narrative mais tant mieux pour le discours, intéressant bien qu’un peu convenu. Face à la claustration volontaire ou non des esprits, l’échappatoire serait la littérature… et l’Amour, évidemment, sans lequel tout redeviendrait poussière. Bien que refusant ce supplément de complexité, Technosmose fonde à sa manière, comme les romans du croisé Maurice G. Dantec par exemple, les bases d’un discours de la résistance à la technologie. Iris-la-libraire-prisonnière-de-son-amour contre le reste d’un monde bouffi de silicone. L’âme humaine sera-t-elle plus forte que les sondes qui lui sont lancées (roulement de tambour) ? Plus fruste, moins politique mais aussi plus littéraire que d’autre, Technosmose est une belle ode, un début de manifeste, un rien convenu mais parfaitement attachant.
Laurent Simon
Technosmose Mathieu Terence Ed. Gallimard 236 p / 15 € ISBN: 9782070785
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