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23

Sep

2007

Les marcheurs déambulants
Écrit par Doreen Bodin   
Quand le passé envahit le présent, le temps s’arrête. Indifférents à tout, Estella et Colin marchent sur des morceaux de leur enfance. Des Corps Volatils qui déambulent à la recherche d’une réponse…


Jakuta Alikavasovic aime les individus décalés. Avant de publier ce premier roman aux éditions de L’Olivier, elle a écrit pour la jeunesse. Dans Holmes et moi déjà, Armand son protagoniste était solitaire et marginal. Trop intelligent et critique pour s’adapter aisément à un monde matérialiste.
Le désenchantement caractérise ses personnages. Colin ressemble d’ailleurs beaucoup à Armand. Il apparaît comme une continuité de ce dernier. Néanmoins il a vieilli et sa part sombre s’est étoffée. On retrouve aussi Quentin, le médecin anesthésiste imbu de lui-même et provocateur. Ainsi que cette atmosphère lourde jusqu’à l’écrasement parfois. Jakuta Alikavasovic déploie et laisse éclater un univers fantastique nocturne et morbide qui rappelle Villiers de L’Isle Adam.
Colin et Estella se retrouvent tout à fait par hasard à l’hôpital où travaille Quentin, après s’être perdus de vue quinze ans auparavant. Inséparables enfants, ils passaient leur temps dans la maison d’Estella à espionner l’inquiétant John Volstead. Ecrivain d’une intelligence surprenante, le père de la petite fille les fascinait. Dépressif, il a fini par se suicider. Devenu une figure fantomatique omniprésente, il hante l’esprit d’Estella et de son entourage. Avec l’aide de Colin, elle essaie de recomposer les souvenirs qu’elle a de lui. Les deux jeunes gens déambulent somnambules entre passé et présent, rêve et réalité. Ni le temps, ni le monde ne semblent avoir de prise sur eux. Comme s’ils étaient de pures abstractions. L’alcool et les somnifères qu’ils ingèrent les plongeant dans une sorte d’intemporalité perpétuelle. Ils voyagent parmi les dédales de leurs souvenirs et de leur inconscient afin de recomposer les derniers instants de la vie de John Volstead. De cet espace clos naît un monde ensommeillé infini rempli de signes étranges qui se répercutent dans la réalité.
Ces corps flottants perdus dans des décors tout aussi immatériels sont portés par une écriture très littéraire. Les descriptions sont détaillées. Le vocabulaire est aussi soutenu que précis. L’ensemble donne au récit une architecture solide sur laquelle l’auteur peut s’appuyer pour, paradoxalement libérer une plume qui glisse avec aisance. Un premier roman très réussi.

Doreen Bodin

corps volatils
Jakuta Alikavazovic
Ed. L'Olivier
300 p / 20 €
ISBN: 9782879295









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