C’est bien simple, ce court roman est si bien ficelé qu’il est comme un bon plat auquel on reviendrait, sans relâche… pour l’épuiser en quelques bouchées ! Un bon moment culinaire. Qu’est-ce qui fait l’aura des bons romans ? La recette est souvent bien mystérieuse, et les auteurs, parfois si peu responsables de leur succès... Tout comme les meilleures maisons d’édition, finalement. La tambouille est ailleurs, quelque part dans la "réception" : celle-là même qui peut adhérer massivement, ou tout rejeter en bloc. Une incertitude pour le moins célèbre… Et dans ce vaste doute, ce sont alors les petits riens qui font la différence : ces petites ficelles qui vous rattachent vous, personnellement, à une énième histoire rebattue. A un livre qui ne paie pas de mine, comme ça, et qui serait certainement dédaigné par votre voisin – car lui, il n’y verrait qu’une œuvre à glisser entre plusieurs autres. Mais en ce qui vous concerne, pour des raisons qui n’appartiennent qu’à votre actualité, à ce que vous traversez, ce livre-là a du cachet. Il s’apprête à vous accompagner dans une passade, bonne ou mauvaise ; si bien que vous le considérerez très vite comme un agréable endroit, où retourner dès que possible. Mais ce petit roman qui ne paie pas de mine, vous l’auriez sans doute méprisé il y a tout juste quinze jours. Une réception qui tient à si peu de choses… Serial lover 2 Le titre, pour commencer. Il a beau être très mal choisi, et se détacher sur une couverture non moins décourageante… On sent comme une promesse de divertissement. Qui s’avère justifiée : dès les premières pages, le décor est planté. Maud, une jeune mère de famille qui n’a rien de l’épouse dépassée, va pourtant le devenir en moins de deux. Car la douce soirée qui s’annonçait a tourné au vinaigre, et elle doit se rendre à l’évidence : l’Enfer est parfois sur Terre. Son cher époux vient de l’appeler, et Maud doit préparer un dîner d’affaires en moins d’une heure, sans quoi la brillante carrière de Paul en prendra un sacré coup. La perspective est à se pendre au premier lustre venu… Il s’agit d’un combat contre la montre ! En épouse bien éduquée, et terriblement malheureuse dans sa condition, Maud va se mettre aux fourneaux. Ce repas d’affaires est déterminant : si la demi-douzaine d’invités se voyait insatisfaite, un véritable tsunami engloutirait leur confort de vie ! L’enjeu est donc décisif : la maison, la petite femme, le jardin, les chérubins… Tout doit être lumineux et irréprochable pour les collègues et le grand patron. Mais tout finit par se passer comme dans un mauvais film d’horreur : et la maison se voit très vite envahie par une horde d’inconnus sans gêne. Sexe, drogues, morts en série… Le petit dîner dans la jolie maison bourgeoise tourne au drame collectif complet ! Il y a décidément quelque chose de Serial lover, le film avec Michelle Laroque, dans cette série de gaffes domestiques. On y retrouve la même dynamique d’élimination, la même succession d’horreurs mâtinées d’humour noir. L’écriture est fluide, dépourvue de lieux communs et d’effets stylistiques pompeux, et on se laisse prendre au jeu. Seule la fin, très pessimiste, paraît en dysharmonie avec l’ensemble – comme si l’auteure n’avait pas assumé la dimension intensément drôle de son roman…
Julien Canaux
Pieds nus, en smoking Frédérique Traverso Ed. Belfond 191 p / 16 € ISBN: 2714442871
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