Woody Allen renoue avec la comédie dans un recueil de nouvelles aussi absurdes que jubilatoires. Ne faites pas l’erreur de passer à côté. Il ne suffit pas, pour imiter Woody Allen, de bégayer quelques réflexions paniquées en portant une paire de lunettes rondes et le cheveu en bataille. N’est pas Woody qui veut. Depuis près de cinquante ans, le cinéaste américain a en effet maintes fois prouvé qu’il était bien plus qu’un petit bonhomme accoutré d’un costume désuet. Comédien singulier, scénariste de génie, il est surtout le réalisateur d’un bon nombre de chefs-d’œuvre. C’est pourtant dans le rôle plus surprenant d’écrivain que nous le retrouvons aujourd’hui avec la parution de L’erreur est humaine. Dans ce recueil de nouvelles, l’auteur de Dieu, Shakespeare et moi imagine une succession de situations burlesques et met en scène une vingtaine de personnages hilarants. Comment ne pas s’amuser de cet homme qui fait fortune en vendant des prières personnalisées sur le site de ventes aux enchères Ebay ? Et que dire de cet autre qui pénètre dans une boutique dans le but d’acheter un costume classique et qui se voit proposer par un olibrius de la vente un complet permettant de recharger son téléphone portable ? Destins tordus Les échanges entre les personnages sont à la fois cinglants et jouissifs, l’exemple le plus probant se trouvant sans aucun doute dans Les jolies colonies de vacances. Monsieur Varnishke, directeur d’un camp de vacances destiné à enseigner aux enfants les rudiments du septième art, réclame au père de l’un de ses colons un pourcentage substantiel sur les seize millions de dollars qu’offre la société Miramax pour les droits du film réalisé par le garçon au cours de l’été. Le ton des courriers, d’abord courtois, tourne rapidement au vinaigre et tandis que le père du réalisateur en herbe ironise sur le physique de madame Varnishke, monsieur son époux, en réponse, s’en prend directement au rejeton, « cet abruti des Carpates qui a eu la chance de ne fréquenter que des écoles privées, en plus de ses cours particuliers, ce qui ne l’empêche pourtant pas d’être incapable de se rappeler de son nom sans vérifier sur l’étiquette de son tee-shirt. » Dans L’erreur est humaine, Woody Allen ne cherche pas seulement à nous amuser ; il pointe du doigt les dérives d’un univers qu’il connaît bien, celui du cinéma. En retranscrivant le témoignage de Mickey Mouse - profession : « rongeur animé » - au faux procès qu’intente la Walt Disney Compagny à son ex-président, il titille à sa façon l’industrie hollywoodienne. De même, il s’amuse des codes du genre policier en imaginant les histoires d’un dentiste dont la platitude des propos finit pas tuer ses patients et d’un couple de malfrats qui sème la terreur en volant des étiquettes de matelas : «Jusqu’alors, déclara Maud Figgins, l’institutrice, quand je sortais, je laissais toujours mes matelas à la maison. Maintenant, à chaque fois que je m’en vais de chez moi, que ce soit pour faire des courses ou pour dîner avec des amis, je suis obligée d’emporter tous mes matelas.» La littérature et la philosophie demeurent les domaines de prédilection d’Allen qui, dans la nouvelle intitulée Ainsi mangeait Zarathoustra, nous offre quelques extraits d’un ouvrage évidemment apocryphe de Nietzsche, Mes secrets minceurs et en profite pour se jouer des grands penseurs : « Aucun philosophe n’a pu associer la culpabilité liée à la prise de poids, jusqu’à ce que Descartes fasse la distinction entre l’esprit et le corps, permettant au corps de se gaver tandis que l’esprit se disait : "Je pense, donc c’est pas moi." » Bien que toutes les nouvelles figurant dans L’erreur est humaine ne soient pas inédites, ce nouveau recueil nous plonge dans le meilleur de Woody Allen. Tout le monde dit I love you et en redemande.
Ellen Salvi
L'erreur est humaine Woody Allen Ed. Flammarion 252 p / 19 € ISBN: 2081203677
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