| | De la ma�trise de la frivolit� et de l��l�gance
Nouveau livre de Roland Jaccard aux �ditions Zulma : en collaboration avec Romain Slocombe, aux commandes des illustrations, l�auteur nous revient avec quelques perles aphoristiques. Son sujet (de pr�dilection) : L�homme �l�gant. En toute simplicit�, bonne foi... et frivolit�.
On conna�t le penchant de celui qui fut disciple et ami de Cioran pour l�esth�tique pure et les masques de la personnalit� humaine. Pour les traits d�esprits mondains, o� il excelle ; o� il impose le rythme d�une subtile futilit� qui en vient � conf�rer � ses mots une forme de sagesse in�dite. Ici on le retrouve tout entier, le l�gendaire Dandy du Flore.
Dans la postface de Un climatiseur en enfer, Jean-Fran�ois Duval nous disait ceci de Roland Jaccard : � diariste, il pratique l�art de l�esquive �. Dans L�homme �l�gant, on a cependant la sensation d�avoir acc�s � une bonne partie du ph�nom�ne Jaccard. Avec d�tours, certes, mais sans plus de fuites.
Et, de la dissection de Duval, on retrouve bel et bien dans le pr�sent ouvrage le � nihilisme de pacotille � de l��crivain, son esprit � ermite et libertin �, ses innombrables � flirts avec la langue fran�aise �. � L�homme �l�gant maintient toujours une s�paration entre ce qu�il peut penser et ce qu�il peut vivre, suivant en cela Spinoza qui �crivait : Ce n�est que lorsque je ne puis pas tout faire que je peux tout penser. �
Ainsi Roland Jaccard n�est pas s�rieux. � Lorsque ses amis sont borgnes, l�homme �l�gant les regarde de profil �. Lui-m�me �l�gant, il n�observe que de profil ce qui lui semble laid, op�re le tri, fait face au beau tout en sachant que rien ne perdure ; clame que tout a un d�but et une fin, et que s�il se trouve une once d��l�gance en son milieu, on aura au moins gagn� quelque chose.
La l�g�ret� et l�ironie sont �videmment ses armes, mais celles-ci n�impliquent pas qu�il se d�parte d�une certaine profondeur et d�une sinc�rit� de leur maniement. Pour ceux qui liront entre ses lignes. Un mix singulier et singuli�rement dynamique de la part d�un �crivain qui a tant dissert� sur la mort, sur le n�ant, sur l�absence de sens de toute chose (cf. � L�homme �l�gant est celui dont il faut attendre la mort pour �tre s�r qu�il a vraiment exist�. �).
Mais ne dit-il pas de lui-m�me qu�il � veille � ce qu�il y ait toujours 100% de conviction et 100% de provocation dans ce qu�il �crit � ?
Encha�nement de maximes et de pens�es sur esquisses (�l�gantes) en noir et blanc. Gary Cooper, Fernandel, Woody Allen, La Demoiselle d�Avignon, Grace Kelly : autant de portraits qui accompagnent si bien un : � L�homme �l�gant n�aime pas la m�me femme deux jours de suite de mani�re identique. � ; un � L�homme �l�gant �pingle sur chacune de ses journ�e un petit fragment de volupt�. � ; ou encore un : � L�homme �l�gant a compris que le plus difficile dans l�existence n�est pas d�obtenir ce que l�on d�sire, mais de s�en satisfaire. �
L�homme �l�gant, au final ? Il appara�t successivement sous les traits d�un pervers invisible, d�un �tre amoureux de ses propres d�fauts, d�un gentleman insaisissable, d�un fasciste, d�un acteur, d�un amant � qui rien ne r�siste. En tout cas, sous les traits d�un homme qui se cache et se d�voile dans le pli m�me de ses dentelles herm�tiques.
Inutile de continuer plus longtemps � faire l�apologie de ce livre, que l�on a tant aim�. Ce serait tellement inutile, au regard de ses auteurs qui d�clarent que : � L�homme �l�gant ne porte pas de d�coration : il refuse qu�autrui juge de ses m�rites. �
Bornons-nous donc � enfin �voquer Cioran : � Nul n�atteint d�embl�e � la frivolit�, c�est un privil�ge et un art �. Il semble que dans le pr�sent ouvrage, Roland Jaccard et Romain Slocombe soient parvenus � la ma�trise d�une �criture en mouvement et de cet art dont parle Cioran avec emphase.
R�f�rences :
L�homme �l�gant
Editions Zulma
143 pages
25 euros
ISBN : 2-84304-207 J. L. N.
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