| | s�lection poche de l\'�t�
Quatre s�lections de livres de poches, � glisser partout, dans
vos valises comme dans les sacs de plage...
Un jeune homme bien �lev�� Jean Jacques
Brochier
(La Diff�rence, Minos)
La Diff�rence sort une collection de Livres de Poche, \"Minos\" :
l�occasion de revenir sur un petit roman, paru aux �ditions de la
Table Ronde en 1977. Il y est question de l�enfance et de
l�apprentissage d�adulte d�un certain jeune homme (ni rang�
comme l�une certaine de ses cons�urs, ni Beigbederien
d�rang�). Juste au milieu, bien �lev� quoi. On ne conna�t pas
son nom, on devine son �poque, on sait son pays, on ignore
son c�ur. On imagine son �ge� jeune, tr�s jeune- et l�on nous
d�voile sa vie.
Tout commence tr�s simplement. Un bal d��cole. Une
rencontre, presque amoureuse, presque d�cevante. Des
habitudes qui se nouent, train-train de vie qui d�cuple le banal
de chaque instant d�un quotidien sans histoires. Et vient le
temps des bouleversements, in�vitable. Salutaire, m�me si
l�issue des �v�nements ne ressemble en rien � une lib�ration.
C�est ainsi que tout va changer dans l�existence tranquille du
jeune homme, faute de volont� propre. Car le narrateur va bel et
bien se laisser entra�ner par les rouages compliqu�s d�une
fortune qui le d�passe, d�un destin collectif. Devenu un vague
commanditaire pour l�action clandestine pendant la guerre
d�Alg�rie, il vit enfin autrement que par procuration litt�raire. A
quel prix.
Motifs de ses choix ? Nulle trace d�h�ro�sme ici. Ni
pr�destination, ni d�termination extraordinaire ne font partie de
ses qualit�s (dont on se demande quelles elles peuvent �tre
tant la consistance du jeune homme est faible). Sans
comprendre le pourquoi de la plupart de ses missions, il se plie
aux directives d�un ordre qui lui est sup�rieur. Moteurs de ses
choix ? L�incapacit� de se construire un avenir autrement que
par des ordres ext�rieurs, et les ind�cisions de sa vie
sentimentale et sociale - pourtant pas tr�s lourdes � g�rer.
A d�couvrir pour savoir �tre mal �lev� de temps en temps, et ne
pas finir comme lui.
La correspondante � Eric Holder
(J�ai Lu)
Un roman d�amour qui ne traitait pas de l�amour : il avait fait un
carton l�ann�e derni�re, souvenez-vous. En attendant de pouvoir
d�vorer le prochain Holder � para�tre chez Flammarion (intitul�
Hongroise), laissez-vous tenter par La
correspondante.
Il s�agit d�Eric Holder, troubl� plus qu�il ne veut le laisser para�tre
par une �trang�re. Qui en vient � d�laisser (sans les quitter !)
femme, enfants et amis pour vivre une autre existence �
campagnarde � souhait- avec une certaine Genevi�ve. Cette
femme, h�ro�ne � sa mani�re, Flaubertienne sans se l�avouer,
est une fan inconditionnelle de l��crivain depuis ses d�buts. Elle
finit par apprivoiser son idole farouche et �pris d�ind�pendance
en l�enfermant dans un syst�me cach�, fond� sur une forme de
libert�-ancrage-�vasion-prison. Pernicieux ; en a t-elle
compl�tement conscience ?
La question qui se pose est bel et bien la suivante : mais que
cherche cet homme qui a tout, au travers de cette relation
bancale ? L�admiration, la confrontation avec des id�aux
�loign�s des siens, des difficult�s et des obstacles imaginaires
pour tromper son quotidien ? La confirmation de son talent
d�artiste en m�me temps que celle de ses inaptitudes
humaines ? Que de questions, dont la plupart resteront
insolvables.
Du miel pour les ours � Anthony Burgess
(Le Serpent � Plumes, Motifs)
et
Le paradis des c�libataires � Herman Melville
(10/18)
Un troisi�me et un quatri�me nom, des auteurs connus, pour
achever cette petite revue-s�lection des livres de poche des
vacances� Pourquoi on ne vous parle pas d�auteurs moins
bateaux pour terminer ? C�est vrai qu�on aurait pu �voquer
Varjak, Bessora et compagnie� Mais on pr�f�rera vous sortir
quelques derni�res belles r�f�rences. Cela convainc toujours
un peu plus, et toutes les sensibilit�s ou presque s�y
reconnaissent. C�est vrai, avec l��t�, on devient paresseux : on
ne veut pas courir trop de risques en vous d�cevant�
C�est surtout parce que ces deux livres sont des chefs d�oeuvres
litt�raires que l�on d�cide de vous en parler au passage.
Anthony Burgess : doit une partie de son succ�s � un certain
Stanley Kubrick, qui adapta son roman L�orange
m�canique (�ditions Robert Laffont, 1972) au cin�ma et
perturba ainsi toute une g�n�ration. Ici, un roman plut�t long,
intitul� Du miel pour les ours, dr�le et grin�ant, inattendu.
Background : l�ex-URSS. Un couple d�europ�ens qui a d�cid� de
faire des affaires sur le dos des russes en leur vendant les
\"richesses\" du monde occidental (on vous laisse d�couvrir les
merveilles de la modernit� en question !). Mais leurs plans ne
se d�roulent pas comme pr�vu, et le couple se met en cavale,
lui et ses valises, un dentier en d�route et des bouteilles de
vodka pour ponctuation du r�cit. En bref, on ne s�ennuie pas.
Reste � identifier le miel et les ours�
Dernier poche et on vous laisse partir en paix : le recueil de
nouvelles in�dites d�Herman Melville, le c�l�bre p�re de
Moby Dick. Du jamais publi� auparavant. On y retrouve
toute la verve de l�auteur, sa plume inimitable, son art de la
construction d�ambiances, ses rebondissements et son don
pour les mises en sc�nes �tranges.
En t�moignent le r�cit qui ouvre le recueil (un riche propri�taire
obs�d� par le chant d�un coq qui d�cide de partir � la poursuite
de celui-ci. Il va en d�couvrir avec stupeur les vertus) ou encore
cette histoire de l�homme qui resta prisonnier dans une Eglise
et qui y v�cut des aventures incroyables... On oscille entre
l��tonnement, le rire, l��nergie de comprendre ce qui se cache
entre les lignes et l�admiration devant le style de Melville, si juste
et si beau (soulignons au passage la qualit� de la traduction de
ces nouvelles). Du grand Melville, � acheter absolument m�me
si on ne le lit pas cet �t�.
Louise de Visscher
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