Un entrejambe féminin sur lequel semble s’être posée une feuille d’érable rouge comme un rideau laissant présager un spectacle censuré. Voilà la couverture du dernier roman de Queffélec le magnifique. Mineure semble annoncer du sulfureux. Il est bien davantage que cela, à l’image de son auteur, tout en nuance et frappant en douceur avec une précision qui éloigne tout cliché. Avec ce nouveau roman, l’écrivain breton ,Goncourt 1985, dresse le portrait de Michel, un homme de cinquante-cinq ans troublé par le désir que suscite en lui une jeune fille de 13 ans. C’est Lolita avec un zeste de Lemon inceste. Sybille est la fille d’une amie de sa femme . Elle jouait encore il y a peu de temps avec ses enfants. Sybille était un bébé. Et la voilà qui se pointe moulée dans une tenue de tennis pour jouer avec lui la finale d’un tournois. il voit la femme qui déborde de l’ adolescente. Sybille est belle. Sybille devient son bébé d’amour en un set. Elle aguiche, elle veut tout donner sans retenue et avec l’élan absolu de sa jeunesse. Elle ne côtoie pas la peur comme lui. Comme un fait exprès, même son numéro de portable a tout pour faire fondre sa proie : 06 69 96 69 96. Tout est terriblement incestueux sans l’être véritablement. Habitué à subir la compagnie de Dame tentation, Michel a toujours trouvé les moyens de résister. Mais il doit affronter ici, dans une bataille avec ses propres désirs, "cette petite pousse-au-crime aux yeux d'absinthe" qui agit avec une détermination extrême et bouleversante. Le quinquagénaire , pour qui le corps s’était un peu trop reposé après de longues et calmes années de mariage, devient la proie de cette diablesse qui fait ses armes en matière de séduction avec la fougue de ses treize ans. Michel résiste, lutte, affronte ces mille et un charmes et tente de décourager son bébé d’amour qu’il rêve déjà d’enlacer. Il est saisit par la séduction abrupte et débordante de sensualité de cette gamine déjà si femme qui, pourtant, partage encore la chambre de ses filles lorsqu’ils partent en vacances. Cas de conscience, réticences, appréhensions… Le danger qui se profile autour de la silhouette de Sybille touche le narrateur en plein cœur et désaxe toute sa ligne de conduite. Le désir radiographié Mineure est l’histoire de cette folle tentation qui vient s’immiscer dans le couple banal qui avance sans prendre la peine d’exister. Le narrateur est bouleversant et ses états d’âme sont si palpables que nous ne pouvons blâmer unilatéralement ses désirs. Là se trouve la grande réussite de Queffélec qui parvient à brouiller les clichés pour installer le trouble. Comme il sait si bien le faire, il remue la conscience humaine jusqu’aux frontières du dicible, basculant de l’autre côté, du côté de cet homme perdu qui oscille entre culpabilité et désir inavouable. Il saisit subtilement les aléas du désir et le couple ravageur que forment la tentation et le danger. Dès la première ligne on est saisit par une justesse qui glace et rapatrie toute notre attention. La narration quasi – clinique de Michel pose les bases d’une histoire au parfum de drame dont il sera l’anti –héros. Une histoire à deux vitesse : celle de l’homme freiné constamment par toute une machinerie de morale et de principes qui se fanent à mesure que son corps parle. Celle d’une jeune adolescente qui fonce au fil des pages et brûle d’une envie sauvage et tendre, se construisant une passion digne des plus grands romans. C’est enfin l’histoire du désir libre qui peut venir frapper à toutes les portes avec une habileté effrayante et qui prend ici la forme de cette mineure tremblante d’amour.
Michel Olivia
Mineure Yann Queffélec Ed. Michel Lafon 142 p / 15 € ISBN: 2846281378
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