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18

Déc

2006

Douleurs passagères
Écrit par Julien Canaux   
Les personnages de Pascal Garnier pourraient presque être des nôtres, tant leurs douleurs et leurs dérives nous sont familières… Une œuvre poétique, pleine de questions et de dextérité.

Les écrivains sont-ils de grands mélancoliques ? La mélancolie, ce terreau de langueur et de sensibilité… Cette affection longue durée, source intarissable de lucidité, dans laquelle les artistes ont toujours puisé leur détresse. Y a-t-il une prédisposition, chez les auteurs, à cet état obscur de l’âme ?
A vrai dire, à la lecture de Comment va la douleur ?, on a tout d’abord un sentiment très puissant de déjà-vu – ou plutôt de "déjà ressenti". Comme si l’auteur parlait avec nos mots, ou que les pages de ce petit livre nous réconfortaient dans notre propre vécu. Comme si les situations nous étaient empruntées, et restituées. Sauf que ce n’est pas une question d’histoire, ou d’intrigue : car ce sentiment très fort de déjà-ressenti réside avant tout dans la poésie du roman. Une poésie savamment travaillée, diluée dans des scènes ordinaires de la vie quotidienne : Pascal Garnier distille son amour des mots dans une série de prétextes, dont on n’est pourtant pas dupes.
Quand un poète ne sait plus comment sortir de ses doutes, il compose des romans et joue le jeu de la modernité… Et la souffrance est partout. Dans les vécus des personnages, dans ce qu’ils s’apprêtent à faire, et dans nos propres peurs aussi : comment peut-on autant se reconnaître dans de simples interrogations ? Les êtres de papier forment un écho à nos pensées, l’indentification s’installe, et on se laisse guider. La mélancolie s’est ramifiée.


Eléments de réponse…

Elle va mal, la douleur. Car personne n’a vraiment de réponse, finalement, et les espoirs ne vivent que dans des croyances infiniment bancales. On en demande beaucoup, ou on se contente de bien peu, mais le point d’interrogation est toujours là – planté bien profondément. Pascal Garnier donne à ses personnages, et notamment à Bernard et Simon, une dimension presque palpable : on les suit et on guette leurs réactions, en y cherchant un reflet à nos propres incertitudes. C’est ce qui fait sans doute l’essence des bons romans : un accessible mélange de poésie et d’humanité, de bruits et de silences, de répugnance et de beauté. La fatigue ne l’emporte jamais vraiment : les personnages avancent toujours, comme si leur vie en dépendait. Et cela donne des idées.
Quand on les regarde de plus près, les personnages de Pascal Garnier ne sont vraiment bien qu’une fois réunis : un peu comme dans Ensemble, c’est tout d’Anna Gavalda. Comme si le groupe plaçait un couvercle sur nos mélancolies : ou que la présence des autres en constituaient un doux remède. Tous les écrivains ne sont peut-être pas de grands mélancoliques, mais il en est, comme Pascal Garnier, qui proposent une lumière qui fait du bien : un éclairage qui fait qu’on évolue malgré tout, et que les choses et les gens ne sont finalement pas si effrayants. Qu’il suffit de donner du temps au temps, comme on dit. Car avec le temps…

Julien Canaux

Comment va la douleur ?
Pascal Garnier
Ed. Zulma
204 p / 16 €
ISBN: 2843043778









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