D’un thème rebattu et mille fois visité, Véronique Olmi parvient à faire du neuf. Comme une bible de la rupture amoureuse, Sa passion vous donne même le rouge aux joues… Avec des mots tous simples, jamais empruntés, Véronique Olmi dissèque la cassure d’une histoire d’amour. D’une histoire toute simple, entre un homme marié et une jeune auteure, Hélène, qui a longtemps vécu dans l’ombre de l’épouse mais qui n’a jamais vraiment attendu non plus de devenir la première. Comme si le présent avait toujours été suffisant, ou du moins, beaucoup plus important que le possible devenir de l’adultère… Hélène se sent visiblement différente. Elle se sent seule dans la foule de cette Foire du livre, où elle a été invitée pour une signature, et où l’avenance des gens lui semble si convenue. Tellement trafiquée. Observatrice, la jeune femme comprend que les comportements sont souvent des apparences, et les bienveillances des automatismes. Les gens n’ont vraiment pas de quoi être fiers, en résumé. Ce qui n’est pas son cas : elle, elle est parvenue à quitter Patrick, et tient sa résolution depuis dix jours. Sa fierté est à toute épreuve ! Même si, quand on gratte un peu, Hélène n’attend qu’une chose : que son envoûteur l’appelle… Alors elle finit par s’en charger, et ce qui se passe au téléphone peut résider en deux mots : la désolation, purement et simplement. S’ensuit une spirale du manque que beaucoup d’entre nous connaissent… Passion par cœur Avec ce titre, Sa passion, Véronique Olmi désigne aussi bien celle d’Hélène que celle de Patrick, qu’on ne connaîtra jamais vraiment. L’amant n’est qu’une figure, ici ; sa matérialité n’est que sommaire, et l’on en sait bien assez sur lui. La passion a donc une envergure double, puisqu’elle désigne aussi bien celle de la jeune femme esseulée, et dépourvue de tout, que celle de l’homme « à la peau nue », et dont on imagine la vie plus calme, plus rangée tout à coup. Forcément. La rupture est celle d’une union toute simple, finalement : car on est un avant d’être deux, et dans la sphère du couple, on a parfois tendance à l’oublier. On l’oublie même si bien que quand vient la fin d’un amour, les dents se cassent bien violemment : et on se retrouve face à soi-même, à cette personne que l’on a laissé de côté pendant toute la durée de l’histoire. Et on ne sait plus trop si on la connaît, cette personne. Même le miroir n’est d’aucune aide : les traits sont flous, le visage n’est qu’une sorte de faciès lointain, la silhouette est même pesante… Tout devient lourd et incolore. Le retour à soi-même s’installe. Un processus singulier que Véronique Olmi tourne et retourne comme personne, avec une alchimie des mots qui fait froid dans le dos. On tourne les pages, donc, en bons lecteurs que nous sommes, mais c’est comme si l’on n’en éprouvait même pas la nécessité : tous ces tourments, toutes ces interrogations, ces pensées torturées destinées à l’être aimé, on les connaît par cœur... Il y a une grande universalité dans cette histoire d’amour contrariée, et Véronique Olmi la transmet avec poésie et précision. On n’a beau faire semblant, on entre de plein fouet dans cette passion rouge sang… et on en sort avec quelques éclaboussures.
Julien Canaux
Sa passion Véronique Olmi Ed. Grasset 169 p / 13 € ISBN: 2246668718
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