3 Octobre 2003
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Histoire saisissante de la litt�rature fran�aise d�apr�s-guerre
Arnaud Viviant, profession directeur
Bordel n�1
Lambert, portrait !
 
Entretien avec Philippe Besson



Pourquoi � Son fr�re � et pas � Mon fr�re �, par exemple ?

Il y a plusieurs raisons. D�abord un �l�ment de forme : je voulais un titre tr�s court, tr�s sobre. L��vidence, c��tait d�appeler �a � Mon fr�re � mais je trouvais cela un peu classique, attendu. Tandis que quand on lit � Son fr�re �, on est sans doute un peu surpris, intrigu�. Puis il faut aller jusqu�au bout de la narration : celui qui parle, qui dit � je �, c�est celui qui dit : � Je suis son fr�re. � Le titre ram�ne � cette r�alit�-l�. Et il fallait que le mot � fr�re � soit le mot essentiel.

Dire � Son fr�re �, c�est se mettre en avant, � Me voil�, je suis son fr�re �, et dans le m�me temps se d�finir par rapport � ce fr�re�

Oui, toute l�histoire de Lucas, c�est de se positionner par rapport � son fr�re. D�s le d�but, d�ailleurs, il se pr�sente comme tel.

Fr�re ici, amant dans En l�absence des hommes, dans tous les cas il faut �tre deux ?

C�est ce que me dit souvent mon �diteur, que je me concentre sur une relation � deux et que j�ai du mal � inclure d�autres personnages. Je suis assez d�accord. J�ai tendance � consid�rer que le plus important se joue toujours entre deux personnes, une � une, et j�ai du mal � faire rentrer d�autres gens dans ce cadre. Dans Son Fr�re c�est pire que tout car les autres disparaissent au fur et � mesure pour laisser Lucas et Thomas seuls. Les relations d�cisives se tissent toujours avec une seule personne, quelle qu�elle soit. C�est pour moi une r�alit� personnelle et au-del�, une construction romanesque qui me convient tr�s bien. Et comme j�ai la pr�tention d��crire des histoires extr�mement simples, qui peuvent s��noncer en tr�s peu de mots, je veux m�en tenir � quelque chose de tr�s serr�.

Dans vos deux livres, on note un refus de l'ostentation, du pathos et le choix de sujets �mort d�un fr�re, mort d�un amant- qui risquent de vous �y entra�ner� C�est une mani�re de d�fi litt�raire ?

Disons que les th�mes qui m�int�ressent le plus actuellement, sont les th�mes de la perte et de la mort. Des th�mes �minemment romanesques, qu�on a tr�s envie d�explorer, mais �galement des th�mes difficiles, parce qu�on peut tomber dans le pathos, l�impudeur ou la d�monstration� Et la gageure que je me donne, c�est de les traiter avec le plus de d�licatesse, de douceur et de subtilit� possible -cela peut para�tre immodeste mais je pense qu�on doit faire preuve de tact et d��l�gance dans ces cas-l� et que quand on y parvient, si on y parvient, on peut se concentrer sur la douleur, la souffrance. Il faut toujours du calme, de la dignit�.

La litt�rature, ce serait poser des mots sur des r�alit�s indicibles, telles la mort ou l�absence ?

La mienne en tout cas. Je reprends les mots de Lucas � la fin de Son fr�re : � on ne sait pas dire la mort �. Il s�approche de la r�alit� de la mort, il suit la d�g�n�rescence du corps, le fait que le corps de Thomas est en train d�entrer en contact avec le cadavre qu�il va devenir, le fait qu�inexorablement il va se retrouver seul quand Thomas aura disparu, mais en m�me temps, la mort n�est jamais vraiment dite. Et on ne se pr�pare pas au deuil. On s�en approche mais c�est tout, et quand Thomas meurt, il ne meurt pas comme on l�attend. Comme s�il �tait impossible d��tre au c�ur des choses.

Dans vos romans, on retrouve toujours la sensualit�, la charnalit� de la vie, et son �crasement, brutal dans En l�absence des hommes, progressif dans Son fr�re� Pensez-vous qu�on b�tit � partir de ce qui se d�truit, comme si on convertissait le malheur de la vie en bonheur de l�art ?

Je ne dirais pas les choses comme �a. J�explore les th�mes de la mort et de la perte parce que mes disparus m�accompagnent. J�ai besoin de conserver un lien, de rendre hommage, d��tre encore proche de ceux qui ont �t� � mes c�t�s et n�y sont plus... Dans mes livres, je parle de cette pr�sence invisible des morts ou des disparus. Cela dit, je ne suis pas dans la vie comme dans mes livres. J�exprime une certaine m�lancolie ou tristesse, une forme de d�sespoir dans ce que j��cris tandis que je peux �tre tr�s jovial, enjou� et optimiste dans la vie. Je pense qu�on explore dans les livres une face sombre de soi-m�me qu�on n�a pas forc�ment envie de montrer dans la vie parce qu�il y a l� aussi cette �l�gance d��tre joyeux avec les gens plut�t que d��tre malheureux. Donc le malheur est dans les livres et le bonheur est dans la vie. Mais en m�me temps, on prend beaucoup de bonheur � raconter ce malheur.

L��criture comme jouissance et souffrance confondues, en somme ?

Il y a une phrase dans Le Dernier M�tro que Truffaut fait dire � Depardieu. Il s�adresse � Deneuve et il lui dit : � Vous voir est une souffrance. � Et Deneuve r�pond : � Mais vous me disiez que c��tait un bonheur. � Et lui : � Oui, c�est �a, c�est un bonheur et une souffrance. � Je pense que c�est intimement li�.

Thomas refuse sa condition d�entre-deux, ni vivant ni mort puisque incurable... Il faut aller jusqu�au bout des choses, savoir trancher ?

Oui. En cela, je ressemble � Thomas. Alors que je pense qu�on est toujours dans la zone gris�e, qu�on n�est jamais ni blanc, ni noir, ni pur, ni impur, ni innocent, ni coupable, que les fronti�res sont tr�s mouvantes et t�nues, je suis aussi de ceux qui pensent qu�il faut faire un choix ? Thomas admet tr�s vite qu�il ne sera pas sauv� et il ira jusqu�au bout de cette logique. Cela dit, je ne suis pas s�r d�avoir son courage, je ne l�ai pas eu dans d�autres circonstances.

Lucas �crivain, observateur, narrateur� Un double de l�auteur ?

Je crois qu�au fond, je suis plus proche de Thomas que de Lucas. Je n�aurais pas pu �crire ce livre du point de Thomas. L��crire du point de vue de Lucas, c�est pr�cis�ment se mettre � distance de ce qui arrive � Thomas et c��tait indispensable. Je me reconnais davantage dans Thomas que dans Lucas. C�est souvent l�erreur de lecture que font les gens, on me demande toujours si c�est strictement autobiographique (la r�ponse est non) ou s�il y a transposition, et je r�ponds oui ou non suivant les circonstances mais ce qui est certain c�est que je suis beaucoup plus proche de Thomas que de Lucas, au fond je pourrais tout � fait plagier Flaubert et dire : � Son fr�re, c�est moi. �

Vous mettez les choses � distance en d�crivant la r�alit� brute de la maladie, les sympt�mes, les m�decins, etc. mais aussi en d�pouillant et les �tres, et les lieux, qui vont beaucoup vers l��pure�

Ce qui m�int�ressait, c��tait de faire dispara�tre les alentours pour me concentrer sur les deux fr�res. Les proches et les parents s�en vont et on voit les d�cors devenir de moins en moins pr�cis, de plus en plus racont�s sur le registre des sensations et des �motions plus que sur le registre du mat�riel et du descriptif. Les descriptions m�ennuient, c�est un travail de photographe et de cin�aste, je n�ai pas envie de donner � voir, j�ai envie de donner � ressentir, � �prouver. La pr�cision clinique dans le r�cit de la maladie, des m�dications et des sympt�mes avait ce but : que le lecteur ait mal et comprenne la douleur de Thomas. Je suis vraiment dans le registre des �motions et je pense que le style que j�ai employ� �tait un alli� contre le mauvais go�t. C�est pour cela que tant d��l�ments s�effacent� Il y a aussi le fait que dans la disparition des proches, il y a la volont� de faire dispara�tre les vivants. Tous ceux qui arrivent, qu�il s�agisse de Manuel � l�h�pital ou du vieillard au bord de la mer, ce sont les morts� Ce sont les morts qui s�approchent et les vivants qui s�en vont.

Comme si la mort r�duisait les choses � l�essentiel�

C�est cela. Le propos de Son fr�re, c�est de montrer comment un lien, et en l�occurrence le lien fraternel, qui pour moi est un lien d�cisif, un lien singulier, est mis � l��preuve de la mort. Ici, il en est magnifi�. Tandis que tous les autres liens vont �tre d�truits.

Vous utilisez des �l�ments tr�s symboliques �la mer, la lumi�re, la maison de l�enfance�- mais vous ne les fouillez pas, vous les posez comme des piliers, on dirait qu�ils architecturent votre roman. Vous �crivez sur l�absence ou la perte. Vous avez en horreur la description dite � r�aliste �� Est-ce que Duras vous a influenc� ?

Qu�on sente cette pr�sence, c�est pour moi un grand compliment. Et c�est une r�f�rence que j�admets volontiers. En m�me temps, je me remets � mon simple niveau, Duras est une sorte d�ic�ne inatteignable�

Vous avez �crit deux livres tr�s diff�rents mais sur des th�mes voisins (l�enfance, le double, la perte�). Allez vous continuer dans cette voie ?

Il faut admettre la part de ce qui s�impose : je n�ai pas choisi de parler de ceci ou de cela dans En l�absence des hommes et Son fr�re. J�en ai parl� parce que c�est mon fond, le fond de ce que je suis, mais quand je me lance dans l��criture d�un livre, je ne d�cide pas tout, c�est dans l��criture que je me rends compte de l��mergence de th�mes qui me sont chers. Le livre que j��cris actuellement est diff�rent. Il n�y a pas de � je �, le personnage principal est une femme. Mais il s�agit encore une fois d�une relation � deux qui met tout le reste au second plan et d�une exploration du pass�. C�est l�histoire d�une rencontre qui renvoie � son propre pass� et un livre sur le non-dit. Ce qui compte, ce n�est pas ce qu�on dit mais ce qu�on ne dit pas mais que l�autre entend. Une structure th��trale, unit� de temps, unit� de lieu, deux personnes qui se racontent leurs souvenirs et comprennent qu�elles n�ont pas les m�mes. Assez durassien, pour le coup�



Propos recueillis par Minh Tran Huy


 
Franck Varjac
Basile Panurgias
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