On retrouve même des saveurs de notre adolescence, quand on lisait les collections "jeunesse" : avec ces petites phrases, en-dessous des croquis, qui nous resituent dans le fil du texte. Mais si les illustrations de Gabriel Gay ont leur place, dans ce nouveau roman très attendu d'Ann Scott - les images sont d'ailleurs utilisées pour renforcer une écriture qui, à la base, est elle-même fortement visuelle -, leur présence n'est pas nécessaire à l'histoire.
Une histoire qui se lit vraiment bien, soit dit en passant... On retrouve la patte d'Ann Scott, ce fameux style qui nous avait fait vibrer quelques années plus tôt - avec le fameux Superstars - et que l'on retrouve, intact. L'auteure a ceci de particulier qu'elle combine son savoir-faire littéraire avec son savoir être personnel : ainsi, un respect infini découle de ses écrits, et tout est fait ou presque pour ne jamais ennuyer le lecteur. Jamais complaisante, l'écriture est limpide comme toujours : et c'est l'histoire qui prime, sans fard inutile.
Fallait pas l'inviter...
Dans ce petit roman, qui est définitivement trop court, il est question de vacances qui tournent au vinaigre. En invitant quelques amis à la campagne, Ann, l'héroïne, croyait pourtant avoir tout organisé : la maison familiale, une imposante propriété pourvue d'une bonne grosse piscine, avait été réquisitionnée pour quelques jours, et tout semblait rouler. Les invités eux-mêmes avaient été triés sur le volet : musiciens un peu underground, jeunes naïades, beautiful people... On se projetait déjà dans les clips les plus bling bling de MTV Base !
Mais c'était sans compter Nate Miller, un célèbre - et exigeant - écrivain américain qu'un malheureux quiproquo fait débarquer chez Ann en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Devant l'éminence de cette venue, Ann se voit contrainte d'annuler tous ses amis... Et le cauchemar peut commencer ! Ce qui devait être un séjour de rêve se transforme alors, avec l'affreux Nate Miller, en un moment de pure contrainte : de temps, d'espace et d'énergie.
En fait, dans ce petit livre qui sent le vécu, on mesure tès vite la réelle portée de l'histoire : celle qui nous dit que le pire est dans la banalité du quotidien, et que les plus grosses tuiles naissent souvent de nos propres contradictions. Et s'il est maintenant évident que la perfection n'est pas de ce monde, que les écrivains sont des êtres lucides et que les chewing-gums ne sont pas biodégradables, on peut aussi être sûr d'une chose : quand Ann Scott nous prend par la main, par contre, c'est toujours une douce invitation...
Julien Canaux
Les chewing-gums ne sont pas biodégradables
Ann Scott
Ed. SCALI
135 p / 18 €
ISBN: 2350122174