#115 - Du 10 f�vrier au 01 mars 2009

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L'art de la s�duction

Quelque part entre fiction passionnelle, intrigue � l�eau de rose et drame franc et brutal, Ether de Franck Resplandy permettrait presque au genre romanesque de se renouveler. Portrait d�un auteur romantique et investi dans son art�


Le regard est pr�cis, le sourire constant, la voix pleine d�intonations. Franck Resplandy s�anime quand on parle d�Ether, son dernier roman. Une �uvre digne de la s�rie des Harlequin ? � J�ai effectivement repris un certain nombre d�arch�types, comme celui de l�homme brun et myst�rieux, photographe qui plus est, et venu d�un milieu social �lev� Mais aussi la jeune provinciale, infirmi�re de son �tat, d�origine modeste� � Jusqu�� ce que la jeune femme se mette � � fantasmer comme une folle � sur cet illustre inconnu, lequel jaillit de nulle part comme un diable de sa bo�te.
A partir de s�rieux st�r�otypes, Franck Resplandy a donc choisi de construire une �uvre-fantasme, qui pourrait servir � bien des �mes souffrant du mal de vivre amoureux. Sauf que les clich�s, dans ce roman, n�ont pas la vie dure : et l�on bascule tr�s vite dans un univers entier d�enfermement psychologique, de souffrance auto-inflig�e et de mal-�tre� M�me s�il est question de bien plus encore. � Cette noirceur permet � conduire ces deux �tres sur la voie de la solitude, la seule issue qu�ils aient dans ce contexte� Il y a un exc�s, de la blessure jusqu�� la mort. �
Tortur�, Franck Resplandy ? En aucune fa�on ! L�homme est enjou�, s�r de lui et visiblement passionn� par les enjeux de l��criture. S�il n�est pas un roman tout � fait joyeux, Ether n�en est pas moins une formidable mise en ab�me des sentiments et de l�intuition f�minine, sans jamais tomber dans le lyrisme facile. Une question s�impose toutefois : comment avoir su restituer aussi bien la psychologie f�minine ? � Cet homme, � un certain moment, n�existe qu�� travers les yeux de l�infirmi�re : il devient alors ce qu�elle veut bien voir. Ce type ne fera jamais partie de sa vie, de toute �vidence. Je me suis simplement install� dans sa bulle � elle, et il n�y a plus eu un seul d�tail de l�intrigue qui m�a �chapp� : j�avais alors une vision tr�s claire de l�ensemble.�
Loin des �crits � � la mode de chez nous �, qui se tournent souvent vers l�auto-fiction et les r�cits de vie, Resplandy se place donc volontiers dans l�art de la conception, et de la cr�ation. � La partie r�daction, dans l��laboration d�un roman, n�est pas la partie la plus agr�able� Ce que j�aime, c�est concevoir. Pour � Ether �, j�ai �crit environ trois pages par jour ; une le matin, une le midi, une le soir. Il n�y avait rien � ajouter, rien � retirer : j�avais une conscience tr�s aigu� des contraintes, d�un point de vue technique. L�utilisation du style indirect, l�absence totale de noms pour les personnages� J�utilise souvent la m�taphore de l�entonnoir : il fallait que les mots finissent par sortir de ce conduit tr�s �troit. Ce qui peut s�av�rer assez douloureux� �
Sortir de soi, essayer de s�duire et de charmer, Franck Resplandy s�y emploie ; il semblerait m�me que �a fonctionne. A l�image du photographe de son histoire, il cultiverait presque un myst�re � percer ; � celle de son h�ro�ne, il entretiendrait une exp�rience r�fl�chie de la vie, et une vie int�rieure apparemment tr�s riche.
Sortir de soi � Lors d�une premi�re parution, il y a quelques ann�es, Ether portait le titre Ex corpore : � Dans les deux cas, il y a l�id�e de � sortir du corps �. On peut alors �voquer la fin de l�histoire, avec cette dimension presque mystique de leur relation� Lorsque j�ai repris ce roman, apr�s plusieurs ann�es, j�ai r�alis� que rien n�avait vieilli. J�ai eu cette bonne surprise. Et finalement, dans Ether, chacun y verra un peu ce qu�il veut : certains y trouveront une � simple � histoire d�amour, que je consid�re moi comme plut�t anecdotique, tandis que d�autres iront un peu plus loin� C�est vrai que j�aime �tre compris, d�une mani�re g�n�rale. Par un minimum de gens.�

Auteur, linguiste, dessinateur...
Loin d��tre opaque, l��uvre de Franck Resplandy ne se limite pas � l��criture de fiction. Auteur de L�Etonnant voyage des mots fran�ais dans les langues �trang�res, l�auteur s�illustre dans la linguistique et nous propose une travers�e g�niale des mots fran�ais employ�s un peu partout dans le monde : un v�ritable r�gal de lecture� De plus, loin de se cantonner � l��criture tout court, notre auteur d�cline son go�t de la cr�ation avec le dessin. Une autre fa�on de manier le crayon, en quelque sorte. Ses croquis, qui ont entre autres figur� sur le site du journal Marianne, t�moignent tous d�un humour tourn� vers la r�flexion. A quand, donc, un album r�unissant quelques uns de ces dessins ? � Un projet est en cours : une �uvre de dessin, de pure cr�ation, sur des planches en noir et blanc� et d�pourvue de texte. Suivre une histoire de bout en bout sans avoir recours � la bulle ou � la l�gende, c�est int�ressant ! Je me suis beaucoup impliqu� dans ce travail. �
On l�aura compris : le moteur de Franck Resplandy, c�est la cr�ation. � Qu�il s�agisse de l��criture ou du dessin, je suis pour la plus grande simplicit� qui peut aller vers la plus grande profondeur� On peut ainsi produire des choses sophistiqu�es, sur le plan de l�imagination. Mais essayer d�en mettre plein la vue, faire des phrases alambiqu�es, employer des expressions qui sont dans l�air du temps, ou cr�er des phrases sans verbe� Je ne vois pas trop l�int�r�t. �
Loin de se satisfaire de la facilit�, Resplandy �uvre donc pour satisfaire l�histoire en elle-m�me : il �crit dans la pr�cision du d�tail, et dessine dans le souci de l��conomie : � Dans le dessin, j�aime le trait : je suis un partisan de ce qu�on appelle la � ligne claire �. Sans ombres, et m�me sans couleurs, on peut tout exprimer. � On peut m�me devenir po�te�

Julien Canaux

Photos S�bastien Dolidon

 
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