#115 - Du 10 f�vrier au 01 mars 2009

Actu Entretiens Zoom Portraits Extraits

  Un buzz pour rien (ou pas grand chose)  
  C'est le Printemps ! (rires)  
  Un ruban pour J.K. Rowling  
  Orgueil, pr�jug�s et Zombies  
  Bruno de Cessole obtient deux magots  
  L'�crivain am�ricain John Updike est mort  
  Marcel Schneider est mort  
  Rambaud jug� incorrect  
  Des citrons pour Orange ?  
  Mort d'Harold Pinter  

inscription
d�sinscription
 
Jean Cocteau et le sexe des anges

Difficile d��chapper � Jean Cocteau en cette rentr�e 2003. Une exposition �v�nement � Beaubourg, une flop�e de biographies, parmi lesquelles on distinguera la somme de Claude Arnaud chez Gallimard, de nombreuses r��ditions de certaines de ses oeuvres jusqu�alors introuvables... Tout cela ressemble furieusement � un rouleau compresseur marketing, et ce d�autant plus que la raison invoqu�e pour ce d�ferlement est plut�t light (quaranti�me anniversaire de sa disparition) et qu�il fait suite - et pr�c�de probablement - de nombreuses op�rations similaires pour � peu pr�s tout ce que la litt�rature fran�aise compte de noms prestigieux. Une seule condition : �tre mort, tant il est vrai qu�un auteur mort est moins regardant, avouons-le, sur le devenir de son oeuvre qu�un auteur contemporain exer�ant encore son droit moral. On attend avec impatience le 200e anniversaire de la Bar-Mitsva de Chateaubriand et la c�l�bration de la perte du pucelage de Nathalie Sarraute.

Dans le cas de Cocteau cependant, cette red�couverte semble n�cessaire tant l�homme et son oeuvre sont complexes et contradictoires. Dessinateur, po�te, mondain, cin�aste, sc�nariste, auteur dramatique, les incarnations successives et souvent simultan�es de ce cr�ateur prot�iforme ont d�rout� ses contemporains et brouill� son image, au point qu�on ne retient parfois de Cocteau que le souvenir �dulcor� d�un dandy � l�aspect souffreteux qui a r�alis� ce vieux film avec un Jean Marais couvert de poils que l�on rediffuse en fin d�ann�e. Cette �tiquette d�esth�te �mascul� �pris d�un romantisme flamboyant emp�che de voir clairement le caract�re furieusement sulfureux de Cocteau tout au long de sa vie. Au profit de cette confortable image d�Epinal de vieux monsieur distingu�, on passe sous silence le fait que son homosexualit� lui a valu d��tre stigmatis� avec une violence inou�e. On oublie que Paul Eluard a r�ussi � faire interrompre la premi�re de La voix humaine en hurlant des insanit�s � l�encontre de celui qu�il consid�rait comme un ignoble sodomite. On occulte les chansonniers qui ont tra�n� dans la boue ses amours au masculin pendant des d�cennies. Le cas de ses dessins homo-�rotiques est embl�matique du m�canisme insidieux qui a transform� un homme profond�ment libre en po�te ch�tr�. Longtemps invisibles, ils d�multiplient � l�infini l��ph�be classique tel que Cocteau le fantasmait : cheveux boucl�s de p�tre grec et profil syst�matique orn� de la fameuse petite �toile. Assez pour agacer ceux qui consid�rent le Cocteau graphiste comme monotone. Assez pour conforter dans leur vision romantico-niaise ceux qui refusent d�y voir autre chose. Et pourtant, si l�on oublie ces d�tails relevant bien plus de la signature que du manifeste, force est de reconna�tre le c�t� franchement sexuel - quasi hardcore - de ces illustrations o� de jeunes hommes � la musculature �l�gante et aux traits d�licats sont dot�s de sexes �normes, aussi larges que longs, exhibant leur �rection monstrueuse en �cartant largement les jambes. Quand ils ne pr�f�rent pas d�voiler de fa�on explicite leur c�t� face et leurs fesses outrageusement rebondies.


On est bien loin du vieux po�te officiel un peu raseur que l�on essaye � toute force de nous fourguer depuis quarante ans, et l�on d�couvre un homme raffin�, certes, mais plus proche par l�esprit et le trait de Tom of Finland et Guillaume Dustan que du quai Conti. De ce retour sous les feux de l�actualit�, retenons la fin d'une illusion. Offrons-nous l�occasion de rejeter l�image bourgeoise, unidimensionnelle et dramatiquement lacunaire de l�acad�micien ami du tout-Paris au profit d�une vision plus juste qui int�gre enfin l�opiomane amateur de beaux gar�ons muscl�s. Non par voyeurisme, mais par honn�tet� intellectuelle, ses pulsions �tant, autant que son go�t pour le lyrisme, la mati�re m�me avec laquelle il fa�onna son oeuvre.

Cocteau aimait, en parfait animal de salon, les r�parties fulgurantes. Il a lui-m�me, dans un bon mot rest� c�l�bre, expliqu� tout ce qu�il y avait � comprendre � son sujet. Lors d�un d�ner, un convive s��tonnait du silence soudain qui r�gnait autour de la table. Sans doute impressionn� par la proximit� du po�te, le malheureux hasarda un � Un ange passe � un peu court auquel Cocteau r�pliqua sans sourciller � Qu�on l�encule �. Tout �tait dit. Il est temps de d�boulonner cette statue impavide du pi�destal sur lequel on l�a trop t�t juch�e. Cet homme � l'id�e tr�s pr�cise du sexe des anges serait le premier � s�en r�jouir.


Plus sur Cocteau :

- Jean Cocteau, sur le fil du si�cle, au centre Pompidou du 29 septembre 2003 au 05 janvier 2004
- �dition anniversaire de Jean Cocteau, Ed. du Rocher
- Le cordon ombilical de Jean Cocteau, Allia
- Cocteau de Francis Steegmuller, Ed. Buchet-Chastel
- Jean Cocteau sur le fil de Fran�ois Nemer, � D�couvertes � Gallimard-Centre Pompidou


J�r�me Farssac

 
Jean Cocteau 
Jérôme Lambert 
Arnaud Cathrine 
Jonathan Ames 
Pavel Hak 
Arno Bertina  
Max Monnehay  
Céline Minard  
Alain Foix  
Philippe Labro  
François Rivière  
Jean-Pierre Cescosse  
Grégoire Hetzel  
Patrick Besson  
Vincent Borel  
Nicolas Rey  
Eric Pessan  
Chlo� Delaume  
David Foenkinos  
Catherine Cusset  
Serge Joncour  
Viencent Ravalec  
Gabriel Matzneff  
Philippe Besson  
Eric Faye  
Pierre Vavasseur  
Fred Vargas  
Nora Hamdi  
Florian Zeller  
Aurore Guitry  
 
Victoria Bedos  
 
Franck Resplandy  
Alex D. Jestaire  
Charly Delwart  
Olivia Rosenthal  
Olivier Adam  
Cyril Montana  
Christophe Paviot  
Martin Page  
 
Bertrand Schefer  
 
  ARCHIVES
 
contact | © 2000-2009  Zone littéraire |