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Pierre Vavasseur le chic type
Le 16 f�vrier dernier, Zone �tait � la remise du prix Saint-Valentin 2004, d�cern� cette ann�e � Pierre Vavasseur, chroniqueur au Parisien, pour son deuxi�me roman, Le jour o� j'ai quitt� ma femme (�ditions Latt�s). R�compensant le � meilleur roman d'amour �, ce prix original m�ritait qu'on s'int�resse � son laur�at. Nous s�duirait-t-il autant que ses mots ?
On lui donne rendez-vous aux Editeurs. Chass�-crois� : il attendait en bas, on �tait � l'�tage. Retrouvailles. Il joue l'intimid�, peut-�tre est-ce le complexe du journaliste interview� ? Nous commandons, il annonce qu'il va continuer sur sa lanc�e et demande une vodka-orange. Il est 18h45, on en est encore au caf�, nous n'avons pas les m�mes valeurs.
Nous d�cidons de remonter sa vie, fa�on Am�lie Poulain.
Flous d'enfance
Enfance grise � Ch�lons-sur-Sa�ne, Seine et Loire. Classe ouvri�re, laborieuse : on s'ennuie beaucoup chez les Vavasseur. Le p�re travaille pour EDF-GDF, la m�re regarde passer la vie derri�re les vitres. Le son du clairon de la caserne voisine vient seul parfois briser le silence ambiant. Des camions passent sous les fen�tres, � rien d'autre � faire qu'�couter la radio �. Ce n'�tait pas encore le temps de la petite lucarne. Le monde vu d'ici : un gamin s'�merveille � l'�coute des retransmissions du Tour de France.
Petit appartement sis rue de Paris, cloisonnement, �touffement : la capitale repr�sente l'univers des possibles. � Ca ne m'int�ressait pas d'�tre ici �. Seul �l�ment en mouvement, le panneau publicitaire face � la fen�tre. Si l'image projet�e ne convenait pas � la m�re, on baissait le rideau : noir pendant des semaines. � Ma m�re n'aimait pas mon p�re. Mon p�re attendait que quelqu'un l'aime �.
Les ann�es passent, Paris fait toujours r�ver, mai 68 : � j'entendais des gens qui vivaient �. Pierre Vavasseur a sa madeleine proustienne : il a gard� de ce temps attentiste un cahier � spirales, o� il avait �crit avec son premier bic quatre couleurs : � Je serai grand reporter dans un grand quotidien � Paris, � 40 ans, parce que �a prendra du temps �. Il a rattrap� ses r�ves.
L'enfant voulait �crire, ce temps l� est venu aussi, m�me s'il a mis plus de temps. Vavasseur est un f�tichiste du livre, de l'objet. On le sent respectueux. La m�re �tait loin d'�tre sa premi�re fan : � tu ne feras jamais rien �.
L'homme s'interrompt soudain, avoue �tre �tonn� de remuer ainsi la boue de sa jeunesse. Nous, on est plut�t content. � Parce que je m'ennuyais, que j'�tais malheureux, que je ne savais pas me d�fendre, que je pensais que je ne m'en sortirai pas, je suis devenu �go�ste : heureusement, j'�tais fils unique ! Je ne pensais qu'� une chose, aller o� je voulais, c'est-�-dire vers le journalisme �. On sent qu'il aime vraiment son m�tier, qui lui a � tout donn� � Il l'�voque avec passion : l'�criture, les voyages, les rencontres et, par dessus tout, la curiosit� qui ne cesse pas. Le Tour de France, encore : � c'est un cheminement, une fa�on de passer des cols �. Il revient � l'enfance, � sa haine de la famille, �voque Pierre M�rot qui en parle si bien dans Mammif�res.
Ecritures
A 18 ans, il quitte enfin le vide familial, s'enfuit � Dijon : � je n'aime pas la province, surtout celle-l�, celle des gens cach�s derri�re leurs pierres �. Il fait du th��tre, �crit ses premi�res piges pour La D�p�che de Dijon, passe ensuite au Dauphin� lib�r�, et monte enfin � Paris pour Impact m�decin o� il prend en charge la rubrique culturelle. Entre deux articles, il s'est mari�. On ne saura pas o�. Le temps passant lui donne du galon : il devient r�dacteur en chef du magazine Max puis de Parcours, et finit par r�aliser son r�ve de quotidien avec Le Parisien. Le petit gar�on regarde l'adulte avec satisfaction.
Changement d'univers, plus r�cent mais toujours parall�le : l'�criture. Vavasseur vient de finir son troisi�me roman, il attend la sentence de l'�diteur, ne semble pas trop inquiet. � je suis comme un gamin �. Son premier, d�j� chez Latt�s, est sorti en septembre 2001, il s'appelait Un manque d'amour. Maintenant, on croit comprendre pourquoi. Histoire d'un homme qui avait cess� d'aimer apr�s la mort de sa femme. Du v�cu. � C'est �trange de vivre avec quelqu'un qui ne dit jamais � demain � �.
Est-ce facile d'�tre �dit� quand on est journaliste ? Il n'y aura pas de langue de bois. Bien s�r, quand on �volue depuis 12 ans dans le milieu culturel, on a la chance de conna�tre les bons interlocuteurs. Strat�gie tranquille, qui finit par payer. � La m�me personne qui m'avait refus� trois fois mon texte a accept� de le publier la quatri�me ! �. Notre homme est assur�ment un patient. On �voque l'actualit� litt�raire, il sort de son sac les derniers romans, parus chez Gallimard, de Fr�d�ric Sotorino et David Foenkinos , parle ensuite de son int�r�t pour les nouvelles, cite Fabienne Jacob (Les apr�s-midi, �a devrait pas exister) et Mercedes de Ambrosis, La Promenade des d�lices , avoue enfin ne pas �tre tr�s litt�rature �trang�re � parce que les journ�es ne font que 24 heures et qu'il faut bien faire un choix �.
Et l'amour dans tout �a ?
Ce tour d'existence nous ram�ne finalement � notre point de d�part. Assur�ment Vavasseur est heureux de son prix Saint-Valentin. � C'est formidable d'avoir ce prix. Ca fait r�ver... surtout vu le titre de mon livre ! Maintenant ma femme va enfin me croire quand je lui dis que c'est un roman d'amour ! �. On a lu le livre, on ne peut qu'approuver. L'�ternel triangle amoureux (le mari, la femme, la ma�tresse), va et vient, h�sitations, valse des sentiments.
� J'ai voulu raconter en l'espace d'une journ�e le chaos intime d'un type qui quitte la femme de sa vie pour une image. J'ai essay� de jouer avec l'id�e de temps, avec l'id�e de nouveaut�, tout ce qui peut transformer un homme. Ce que mon personnage oublie, c'est que ce qui le s�duit chez sa ma�tresse est ce qui le touchait chez sa femme au d�but de leur relation. Sa femme n'a pas chang�, son regard � lui, oui. � L'histoire est vieille comme le monde, il y a des gens qui ne s'en remette toujours pas...
� Comme beaucoup d'hommes, mon personnage est un inconstant �. � Ou un oublieux !�, ajoute-t-on : il approuve galamment. Dit aimer �couter les femmes, admire leur droiture, leur honn�tet�, leur absolu. L'oppos� des hommes dont peu savent r�sister � un regard : � les hommes s'accommodent mieux de la diversit�...�. Vavasseur semble �tre quelqu'un de bien. S'il tombe dans une partition un peu conventionnelle des sexes, ce n'est pas par conformisme mais par conviction.
Et le roman � venir ? L'enfance, qui hante toujours. La m�re est morte depuis quelques mois. Ils �taient deux � l'�glise. L'apr�s-midi m�me, l'�crivain prenait l'avion pour la Chine. Livre sur l'indiff�rence mais surtout sur le trouble que provoque l'indiff�rence. Il s'appellera Le Voyage en Chine. Nouveau livre, nouveau prix ? L'�crivain ne cache pas son ambition d'en obtenir d'autres. On le lui souhaite : un chic type on vous dit !
Ma�a Gabily
Zone remercie Fran�is Bugeaud et le caf� des Editeurs pour leur collaboration.
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