#115 - Du 10 f�vrier au 01 mars 2009

Actu Entretiens Zoom Portraits Extraits

  Un buzz pour rien (ou pas grand chose)  
  C'est le Printemps ! (rires)  
  Un ruban pour J.K. Rowling  
  Orgueil, pr�jug�s et Zombies  
  Bruno de Cessole obtient deux magots  
  L'�crivain am�ricain John Updike est mort  
  Marcel Schneider est mort  
  Rambaud jug� incorrect  
  Des citrons pour Orange ?  
  Mort d'Harold Pinter  

inscription
d�sinscription
 
Tristane, dans l'air du temps

Elle appara�t dans mon champ de vision, l�-bas, � l�ext�rieur ; sa d�marche est naturelle et l�g�re. Elle pousse finalement la porte du caf�, souriante, et fait son entr�e dans la chaleur du lieu. Je me l�ve et l�accueille timidement � il faut dire que je suis quelque peu impressionn� Tristane Banon est quand m�me � l�origine de mon entr�e � Zone Litt�raire, quatre ans auparavant ! J�ai oubli� de la tuer, son premier roman, avait �t� comme une r�v�lation, une certitude litt�raire : celle qui veut que l�on peut �crire sur soi � qu�il s�agisse ou non d�une autobiographie � tout en parlant du monde, et des contradictions des gens. J�avais �t� sensible � ses mots ; aujourd�hui, sa voix est une confirmation.

Il y a des auteurs, comme �a, qui vous donnent envie de composer avec les choses, et les gens. Il y a des auteurs qui vous donnent envie de continuer � �crire, aussi, et � y croire, vraiment... Tristane Banon fait partie de ceux-l�. Elle prend place en face de moi, et commande un citron chaud � qui s�av�rera br�lant. Tout en elle exprime la puret� : les mouvements, les cheveux n�gligemment relev�s, l�absence de maquillage, la parole facile malgr� l�exercice de l�interview maintes fois r�p�t�. Les temps sont un peu difficiles, me confie-t-elle, car ce qui se passe tout autour est un peu fatiguant� Dans cette histoire qui l�oppose � une personnalit� importante de la vie politique, les choses ont pris un peu trop d�ampleur. On ne lui parle que de �a ou presque, alors qu�elle-m�me a tout fait pour tourner la page�


Photo reporter

Je r�alise alors que mes petites questions sagement pr�par�es, l�, sur la table, me semblent bien scolaires. La discussion est d�j� l�, solidement install�e, et Tristane me parle librement, sans retenue. Son assurance et sa proximit� me confirment une chose d�ailleurs : elle aime ses lecteurs par-dessus tout, et peu importe qu�ils se trouvent �tre quelques journaleux ravis de la rencontrer� Elle est elle-m�me, elle sait qui elle est, et surtout ce qu�elle cherche dans l��criture. Loin des th�ories sur les limites de l�autofiction, Tristane me parle de Flore, l�h�ro�ne de ses trois premiers romans, dans laquelle elle a mis beaucoup d�elle-m�me � tout en ayant pris une grande distance, finalement, dans Daddy fr�n�sie. La recherche de la m�re, la recherche du p�re� Des th�mes qui m�nent � d�autres, finalement ; et pas forc�ment � la recherche de soi ! Tristane est bien plus tourn�e vers les autres que vers elle-m�me�
� Pour moi, la litt�rature est faite pour montrer l��tat d�une soci�t�, � un moment donn�. Si une personne, dans cent ans, pouvait tomber sur mon bouquin� et y voir une photo de notre �poque ! Je suis une sorte de photographe : je r�ve que mes petits-enfants, un jour, tombent sur un Daddy fr�n�sie au fond de la cave et qu�ils me disent � c��tait comme �a � l��poque ? � Dans mes romans, j�aime inventer une histoire (parce qu�il faut bien qu�il y ait un d�but, un milieu et une fin), mais ce que j�aime par-dessus tout, c�est faire vivre des personnages porteurs d�une r�alit�. �
Voil� ce qui l�int�resse, Tristane : �tre une reporter de son temps. Car si elle sait parler et s�exprimer, elle aime aussi �couter, et �a se sent� � J�ai bient�t trente ans, et j�ai bien conscience qu�on est une g�n�ration d�senchant�e ; tout va mal, on vit dans un mal �tre, mais en m�me temps, on est un peu enfants g�t�s... On est arriv� apr�s les guerres, apr�s les ann�es sida, apr�s tout �a, et on se retrouve un peu perdus� La g�n�ration qui suit, elle, me semble bien plus d�complex�e. �


Nulle dies sine linea

Tristane est une jeune femme qui n�a jamais �t� fan de personne, � proprement parler, mais qui a toujours nourri des formes d�admirations pour des personnalit�s du monde culturel, litt�raire ou politique. Elle a su faire de ses rencontres des souvenirs importants, notamment dans son travail de journaliste : comme on peut le constater dans Erreurs avou�es (au masculin), ce recueil o� elle interviewait des hommes c�l�bres sur leur vie personnelle�

Mais surtout, ce sont les h�ros des livres qui la passionnent. Tous ces personnages, ces Julien Sorel qui savent avoir une existence, l�ont toujours profond�ment habit�e� Oui, il existe d�finitivement des �tres de papier � qui l�on pr�te des pens�es, des fulgurances, une franche r�alit�. D�ailleurs, comment con�oit-elle la cr�ation en g�n�ral, et l��criture en particulier ? Un principe, pour commencer : elle n��crit g�n�ralement que t�t le matin ou tard le soir : � Quand il n�y a pas de t�l�phone� � Et puis surtout, elle conna�t toujours la premi�re et la derni�re phrase de ses livres, avant de les commencer. Toujours. �Pour moi, un roman est un jeu de piste ; j�ai le premier et le dernier mot, et la question c�est : comment je vais arriver � �a ? Je n�arriverais pas � �crire un livre si je n�avais pas la premi�re et la derni�re phrase. C�est quelque chose dont j�ai besoin, qui me rassure. �

Qu�on se le dise, Tristane Banon n�est pas obs�d�e par la recherche de ses origines, ni par l�image qu�elle peut renvoyer � ou qu�on veut bien lui pr�ter. Tout cela est certes un terreau dans lequel elle puise, mais ce n�est en rien une fatalit� ou une souffrance au quotidien. � En fait, si l��criture �tait une souffrance, je ne le ferais pas. Ce n�est ni une souffrance ni un plaisir, de faire des romans, mais �a m��panouit r�ellement. Je m�oblige � �crire, je me tra�ne jusqu�� mon bureau s�il le faut, mais apr�s avoir �crit je me sens �panouie. Je serais incapable d��crire sous la souffrance, pour lib�rer quelque chose de lourd� Pour moi, les livres sont l� pour faire une photo : et pour cela j�ai besoin de recul, d�objectivit�. On ne peut pas �tre � la fois le photographe, et sur la photo� Alors m�me si � la base, la Flore de J�ai oubli� de la tuer, de Trap�ziste et de Daddy fr�n�sie c�est un peu moi, j�ai quand m�me fait �voluer le personnage, je l�ai faite se transformer� Il n�y a rien de plus int�ressant que l��tre humain de toute fa�on : dans ce qu�il a de mieux, comme dans ce qu�il a de moins bon. �

J��coute Tristane, et je me dis qu�il y a d�cid�ment des moments de v�rit� Dans le caf�, au-dessus de nous, quelques chansons me semblent confirmer l�instant pr�sent : Loosing my religion, de REM , Alleluyah de Jeff Buckley, With or without you� De belles chansons, pour une bien jolie rencontre.

Photo : copyright Alexandre Barbier.
Daddy fr�n�sie(2008) de Tristane Banon, aux �ditions Plon.

 
Jean Cocteau 
Jérôme Lambert 
Arnaud Cathrine 
Jonathan Ames 
Pavel Hak 
Arno Bertina  
Max Monnehay  
Céline Minard  
Alain Foix  
Philippe Labro  
François Rivière  
Jean-Pierre Cescosse  
Grégoire Hetzel  
Patrick Besson  
Vincent Borel  
Nicolas Rey  
Eric Pessan  
Chlo� Delaume  
David Foenkinos  
Catherine Cusset  
Serge Joncour  
Viencent Ravalec  
Gabriel Matzneff  
Philippe Besson  
Eric Faye  
Pierre Vavasseur  
Fred Vargas  
Nora Hamdi  
Florian Zeller  
Aurore Guitry  
 
Victoria Bedos  
 
Franck Resplandy  
Alex D. Jestaire  
Charly Delwart  
Olivia Rosenthal  
Olivier Adam  
Cyril Montana  
Christophe Paviot  
Martin Page  
 
Bertrand Schefer  
 
  ARCHIVES
 
contact | © 2000-2009  Zone littéraire |