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Suivre la petite peur de Charly Delwart
� chaque rentr�e de septembre, tout le monde entonne le m�me refrain : trop de livres� Pour ne plus lire que les auteurs dont le nom est souvent plus connu que l�oeuvre, nous avons jet� un �il du c�t� de la nouvelle g�n�ration. Bonjour Charly.
Charly Delwart suit des fils conducteurs. Des fils qui l�ont pouss� quelques ann�es plus t�t � quitter sa Belgique natale pour s�installer � Paris. Des fils qui lui ont �galement permis d�achever son premier roman, paru en cette rentr�e dans la prestigieuse collection � Fiction & Cie � des �ditions du Seuil. Des fils enfin qui l�ont men� jusqu�� nous, en ce soir d�octobre, pour nous parler de son Circuit et du reste.
Depuis trois ans, Charly travaille dans le d�veloppement de long-m�trages. L�autre partie de son emploi du temps est consacr�e � l��criture : � Pour Circuit, c��tait tr�s carr�. Je travaillais tous les soirs de dix heures � deux heures du matin. Du lundi au jeudi. Ensuite, je m�y remettais le week-end. J��crivais �galement dans le m�tro pour gagner du temps. En g�n�ral, un jour sans �crire, c�est deux jours pour s�y remettre. Il ne faut pas l�cher l�id�e. Donc je pr�f�re �tre en permanence dessus. � C�est avec un esprit de rigueur in�branlable que Charly a �labor� l�histoire de Darius Brissen, employ� de bureau victime d�un licenciement �conomique qui le laisse, du jour au lendemain, sans aucune perspective d�avenir. Une situation que l�auteur conna�t bien pour l�avoir v�cue : � J�ai �t� vir� d�un groupe audiovisuel pour lequel je travaillais. Les quinze premi�res pages de mon livre correspondent � mon exp�rience. J�ai pass� trois mois � attendre un plan social. J��tais pay�, il y avait une standardiste qui me saluait le matin, j�avais un t�l�phone que je d�crochais pour �tre s�r qu�il fonctionnait, j�avais acc�s � tout, mais je n�avais pas de boulot. C��tait absurde. �
La suite ? Charly retrouve du travail et tient d�sormais une excellente id�e de roman � partir de laquelle il jette les plans du livre � venir, une sorte de synopsis. Pour la premi�re fois, il construit une histoire avec la volont� de l�achever. Il imagine donc la vie d�un jeune licenci� qui, en l�espace de quelques semaines, conna�t une errance positive avant de sombrer dans l�apathie sous le regard impuissant de sa petite amie. Jusqu�au jour o� un incroyable malentendu le conduit � squatter le bureau 144 d�une cha�ne de t�l�vision. Ici commence l�imposture de Darius qui n�a rien � faire au sein de cette entreprise, mais qui choisit pourtant d�y rester. L�id�e qu�il puisse de nouveau retrouver � quelque chose de plus structurant que le vide � devient sa planche de salut. Jour apr�s jour, il construit ainsi son projet, bricole des informations et d�couvre un processus cr�atif qui le stimule et lui offre une ind�pendance d�action. Nous demandons � Charly de nous en dire plus sur ce qui fait avancer son personnage : il nous parle � d�instincts primaires, � mi-chemin entre le trac, l�angoisse, la fascination et l�excitation. � Lorsque nous �voquons la possibilit� que Darius soit simplement fou, il riposte : � Il n�est nullement question de folie dans cette histoire-l�. Darius n�a fait que retrouver quelque chose de l�ordre de l�animal, une dose d�adr�naline � laquelle il se shoote pour ne pas basculer de nouveau dans le vide, le d�sordre. �
Circuit est aussi bien ficel� que les projets de son personnage principal. Lorsqu�il en a commenc� la narration, l�auteur pressentait une pi�ce manquante, une chose autour de laquelle toute l�histoire tournait, mais qu�il n�avait pas encore cern�e : la petite peur. C�est � partir de ce seul motif qu�il a retravaill� l�ensemble de son texte. Pour ne jamais en perdre le fil conducteur, il s�appuyait sur des documents qui lui permettaient de se rappeler l��volution de son personnage, l��tat dans lequel il l�avait laiss� la fois pr�c�dente : � Je pouvais ainsi juger si mon histoire fonctionnait et en �valuer au mieux les logiques narratives. � Avec ce premier roman, il a d�couvert toutes les libert�s qu�offre la forme romanesque : la possibilit� de varier la longueur des chapitres, d�accorder, quand il lui pla�t, des temps d�arr�ts au lecteur et de faire, pour un oui, pour un non, une digression amus�e. Ces libert�s, il les a �galement trouv�es par l�emploi de la troisi�me personne : � Pour moi, le narrateur est assis sur l��paule du personnage. En ayant acc�s aux pens�es de Darius, il peut �galement parler de tout autre chose. Le style doit � la fois tenir le lecteur par la main et suivre le cheminement du h�ros. �
Une chose est s�re, Charly Delwart sait exactement o� il veut nous mener. Aujourd�hui, la premi�re version de son deuxi�me roman est d�j� �crite. Il nous explique s��tre attaqu� au sujet �pineux de la relation amoureuse. Nous aimerions en savoir plus, mais il est peut-�tre un peu trop t�t. Pour l�heure, le jeune �crivain fait surtout sa premi�re exp�rience de rentr�e litt�raire, d�couvre le flou qui entoure souvent cette p�riode et observe attentivement ce qui se passe autour de lui. Comme ce soir, dans le rep�re de l�Ogre � Plumes o� on l�appelle bient�t pour une s�ance photo � laquelle il se pr�te sans sourciller. Et puis, vient le moment de se quitter. Charly s��loigne dans la lumi�re bleue que jettent les lampadaires de l�avenue Parmentier, on l�imagine, � la petite peur � hauteur du nombril. �
Ellen Salvi
Photos S�bastien Dolidon
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